La Couleur de la Mort
D'aucuns attendent le Messie ; personnellement, c'est au croque-mort que j'ai hâte ! La sortie d'un nouvel album d'Undertaker, la grande série western signée Ralph Meyer et Xavier Dorison, est...
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le 1 nov. 2019
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D'aucuns attendent le Messie ; personnellement, c'est au croque-mort que j'ai hâte ! La sortie d'un nouvel album d'Undertaker, la grande série western signée Ralph Meyer et Xavier Dorison, est rapidement devenue un événement surligné en couleurs vives dans mon calendrier... ce dont un très petit nombre de BD actuelles peuvent encore se vanter.
Après un quatrième album en demi-teinte, la faute à un finish un brin faiblard qui avait vu le fameux employé des pompes funèbres titulaire, Jonas Crow, se séparer de ses partenaires la Chinoise Lin et l'Anglaise Miss Prairie, ce cinquième tome nous promet, dès la couverture et le titre, L'Indien Blanc, de nouer le nouvel homme fort de la BD western franco-belge avec une culture qui me passionne : celle des Amérindiens, et plus précisément des Apaches. C'était inévitable, mais la rencontre entre l'homme blanc en noir et les hommes rouges tient-elle ses promesses ?
Petit état des lieux avant de répondre : comme je le disais, nous y avons laissé Jonas Crow pauvre comme Job, et plus seul que jamais. Les sombres manœuvres de sa Némésis, le docteur Quint, ont coupé net sa romance avec la jolie Rose Prairie, tandis que leur amie Lin s'en allait retrouver son fils dans l'Empire du Milieu. Seul son brave vautour Jed lui est resté fidèle. Retour à la case départ, donc ? Pire que cela, puisqu'entretemps l'hiver s'est abattu sur le désert arizonien, et que c'est les mains littéralement en sang que nous retrouvons notre anti-héros, en train de creuser cinq tombes dans un canyon enneigé. Mais il semblerait que ce soit un moindre mal pour un Jonas plus tourmenté que jamais après les événements du diptyque précédent : "Saigner, ça évite de penser".
Ces cinq tombes sont celles des passagers et de l'escorte d'une diligence que nous venons de voir se faire massacrer dans une séquence d'ouverture proprement grandiose, peut-être le meilleur travail graphique de Ralph Meyer depuis le début de la série. Crépusculaire, spectaculaire, sanglante, elle contient non seulement ce que je crois être un clin d’œil au film Chouans de Philippe de Broca, mais annonce la couleur de ce qui est à venir : noir, noir, noir, il n'y a plus d'espoir. Entre un personnage qui se mangeait les doigts, un qui faisait une indigestion d'or, un qui se prenait un fer à repasser dans la gueule et les tortures du docteur Quint, les quatre premiers tomes d'Undertaker ne faisaient déjà pas dans la dentelle, mais la violence de L'Indien Blanc est plus glaçante encore, à l'image de son cadre hivernale.
Cette embuscade est la raison pour laquelle Jonas croise la route d'une vieille connaissance, son comparse à l'époque où il s'appelait encore Harry Strikland et, apprend-t-on, faisait partie d'une bande de braqueurs de banque appelée "les tigres de Louisiane" (étonnamment kitsch, comme nom!) : Sid Beauchamp. Sacré personnage que ce Beauchamp, qui a les traits de l'acteur britannique Toby Jones et le patronyme du journaliste d'Unforgiven, le western préféré de Ralph Meyer. Chaleureux et sapé comme un pied-tendre, il réussit pourtant à se faire respecter d'une belle bande de loubards, ce qui tend à montrer qu'il n'est pas aussi sympathique qu'il en a l'air...
Chaque album d'Undertaker fonctionnait presque comme un polar à part entière, avec des bribes de mystères que le lecteur retire petit à petit, comme des morceaux de chair en décomposition. L'Indien Blanc ne fonctionne pas différemment, mais comme il s'agit d'une critique à chaud, contrairement à celles que j'ai fait des quatre premières aventures, je n'en révélerai pas davantage pour le moment... mais cet album nous emmène dans des directions particulièrement inattendues et rafraîchissantes, tout en traitant avec beaucoup de respect et d'intelligence le mode de vie et de penser des Apaches. La bien-pensance et la condescendance envers les "Natives" n'ont pas leur place dans le scénario de Xavier Dorison, à l'inverse de beaucoup de westerns modernes soi-disant "révisionnistes".
Seul hic de l'album : Dorison abuse cependant des bons mots de Jonas, style "Dieu dit : blablabla..." ou "Épître de Jonas, etc...", qui ne sont d'ailleurs pas aussi mordants que tantôt. On a presque l'impression qu'il sont là pour respecter un cahier des charges, étant devenus emblématiques de la série. Mais qu'on ne s'y trompe pas, c'est un démarrage en fanfare pour ce nouveau diptyque que nous offre le duo dynamique Meyer-Dorison ! J'ai hâte d'appeler le croque-mort pour la sixième fois...
Créée
le 1 nov. 2019
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