nov 2007:
Drame intense, lourd, porté par les souffrances de toute une vie, par l'arrachement incommensurable qu'a eu à subir toute une famille. Le poids du passé des conséquences de la guerre d'Algérie.
Le portrait que fait Anne Sibran de son père, pied-noir nostalgique, qui ne le serait pas, est extrêmement violent. D'une violence propre à celle que ce personnage a supporté, celle de la rue, des attentats, des morts, celle du départ, celle de l'humiliation, le rejet en France, celle des morts, des folies, des mensonges. Anne Sibran pose son regard d'adulte sur un monde du passé, le sien, celui de son enfance, celui qu'un ciel gris parisien n'a pas réussi à cacher. C'est tendre, sans concession, sans vengeance ou reproche, un regard honnête, simple sur une histoire personnelle qui se confond avec celle de tout un pays. Beaucoup de délicatesse. Malgré le pathos énorme qui pèse sur ce récit.
Le dessin neurasthénique de Didier Tronchet que l'on connait plus volontiers rigolard pour son Raymond Calbuth et son Jean-Claude Tergal (mais humour ô combien noir et recelant un goût de fiel et de terreur face à la cruauté et l'absurde de la vie), ce dessin, jaune, sépia presque, avec ces traits grossis, collants, ocres, se marie très bien avec le récit.
Une heureuse association pour une histoire triste.