Enquête criminelle durant la ségrégation raciale

Ne croyez pas tout ce que l'on vous raconte au sujet de la Nouvelle-Orléans. La plupart du temps, il ne s'agit que de fadaises pour attirer les touristes... Parfois, ce sont plutôt des mensonges destinés à cacher une vérité plus atroce.

Les éditions Casterman présente avec Holly Ann : la chèvre sans cornes, une bande-dessinée d'ambiance s'articulant autour d'une enquête criminelle qui tire son originalité en situant son intrigue vers la fin du 19e siècle en Louisiane au cœur du bayou où la ségrégation raciale est encore présente. Le scénariste Kid Toussaint nous plonge dans une intrigue noire et mystérieuse avec la découverte d'un enfant violemment assassiné : '' Gerbeaud Georges '', fils d'un riche propriétaire d'une exploitation de canne à sucre. L’enquête incrimine la communauté afro-américaine avec l'accusation d'un garçon noir handicapé mental. Afin que l'enquête soit menée sans une once de motivations racistes, la mère de l'accusé fait appel à Holly Ann Artoure, une détective privée non officielle dotée d'une capacité très étrange qui en tant que métisse garantie auprès de la population un raisonnement impartial. Une investigation qui rapidement s'avère intrigante en articulant son énigme autour du culte vaudou. La chèvre sans cornes étant l'appellation donnée pour le meurtre rituel vaudou d’un enfant blanc.

Une histoire pleine de mystères à laquelle on se prend allègrement à travers un rythme un peu nonchalant mais parfaitement contrebalancé par la découverte de son cadre austère autour d'une atmosphère crépusculaire techniquement bien retranscrit par les dessins et le jeu de couleurs de Servain. L'action est servie à petites doses par le biais d'un personnage principal énigmatique. Holly Ann est une enquêtrice aussi belle qu'intelligente qui s'assume totalement, usant d'une logique implacable et d'un courage à toute épreuve. Une héroïne adroite entourée d'un sombre voile qui captive l'attention du lecteur. Pour cette enquête, elle est accompagnée de l'écrivain Thomas Jofferdale ayant pour ambition d'écrire des ouvrages de référence sur les plus beaux sites du monde.

Un récit principal qui tient la route autour d'une conception artistique fort inspirée malheureusement desservie par une vision globale beaucoup trop placée sous le règne d'une bien-pensance progressiste qui en fait des tonnes, devenant un véritable pot pourrit des injonctions morales du scénariste. Dérive du féminisme, exploitation des femmes, libération sexuelle, violence policière, incompétence du système blanc, racisme anti-noir, corruption au sein des catholiques, maltraitance des musulmans illustrés par une phrase terriblement convenue comme : '' non, on ne tue pas d'enfant blanc non plus chez les musulmanes.'' Une véritable indigestion ! Faut se calmer Kid ! Même si c'est fait avec les meilleures intentions du monde on aboutit à quelque chose de bien trop forcé. Ce qui est d'autant plus curieux c'est que l'histoire se passe en Amérique à la Nouvelle-Orléans au cœur des plantations de cannes à sucre, et pourtant le récit est bardé de messages sociaux de sujets typiques (pour certains) de la France ce qui donne un mélange bâtard.

CONCLUSION :

Holly Ann : la chèvre sans cornes des éditions Casterman est le premier tome d'une bandes-dessinée d'enquête criminelle intrigante autour d'un cadre et d'une atmosphère parfaitement élaborée pour une enquêtrice atypique offrant une nouvelle figure héroïque à la hauteur qu'on a envie de découvrir plus amplement. Malheureusement les injonctions morales du scénariste autour d'une bien-pensance progressiste multi présente qui en fait des caisses rend le tout difficilement digestible. Une approche nocive venant réduire l'impact d'un album qui sent cela aurait pu être bien plus pertinent et marquant. Un peu de nuance Kid !

Un petit démarrage appréciable avec du potentiel.

• Holly Ann ? Comment a-t-elle fait pour arriver avant nous ?


• Je vous l'ai dit. Vous êtes une bande d'incapables.


• Tu n'as rien à faire ici, Holly Ann.


• Si vous me permettez, sergent, je crois qu'on devrait au contraire la consulter plus souvent. Je suis certain qu'avec son aide, on ferait moins de découvertes... de ce genre...