Personne n'entend ceux qui disent vouloir être seuls. La volonté de solitude, c'est forcément une pulsion morbide. Nathalie avait beau tenter de rassurer tout le monde, on voulait passer la voir. Ce qui revenait à l'obliger à parler. Mais elle ne savait que dire. Elle avait l'impression qu'elle allait devoir tout reprendre de zéro, y compris l'apprentissage du langage. Peut-être qu'ils avaient tous raison, au fond, de la forcer à se laver, à s'habiller, à recevoir. Ses connaissances se relayaient, c'était d'une limpidité effrayante. Elle imaginait une sorte de cellule de crise gérant le drame à l'aide d'une secrétaire, sûrement sa mère, notant tout sur un planning géant, de façon à varier habillement les visites familiales et les visites amicales. Elle entendait les membres de cette secte de soutien parler entre eux, commenter ses moindres gestes. "Alors comment va-t-elle ?" "Que fait-elle ?" "Que mange-t-elle ?" Elle avait l'impression d'être subitement devenue le centre du monde, quand son monde à elle n'existait plus.