Il s'agit d'une adaptation en bande dessinée de la série documentaire Histoire(s) d'une nation, réalisée par Françoise Davisse et Carl Aderhold. Et ça se voit, tant certaines cases sont des réinterprétations d'images INA.
On s'intéresse donc aux rythmes de l'immigration en France depuis la défaite de 1870 jusqu'aux dérapages de Manuel Valls sur les roms. La bande dessinée a le mérite de se focaliser sur ce que prévoit la loi et sur l'articulation entre les faits sociaux et la réaction politique.
Peut-être n'apprend-on pas tant que ça : que la France a toujours eu recours à l'immigration, que ce soit face à la démographie allemande après 1870, pour combler les trous laissés par les deux guerres mondiales, ou parce qu'il faut faire tourner la machine des Trente Glorieuses. Avec jusqu'aux années 1990 une invisibilisation de ces minorités, ou bien leur stigmatisation en période de crise économique.
Et des choix juridiques qui ne sont jamais anodins : la mise en place du droit du sang qui vise l'assimilation des enfants d'immigrés, à une époque où les Ferry et autres mettent en place le roman national ; au contraire, le passage du thème de l'assimilation à celui de l'intégration, dans le même temps où, dès Barre mais particulièrement sous Pasqua, on fait tout pour saboter le parcours vers l'obtention de la nationalité française.
Ces errements comme le "million Stoleru", qui promettait une aide financière aux étrangers partant d'eux-mêmes du pays (un flop retentissant qui amène à passer à une politique du tout-répressif).
Et puis ce qui est plus proche de nous : la marche des beurs de 1984, le miracle de 1998, Chirac, les émeutes de 2005, Sarkozy, Valls.
Cette rétrospective est salutaire, en pleine bolloréisation du paysage audiovisuel français, car elle redonne de l'espoir : oui, notre pays vieillissant est hanté depuis une vingtaine d'années par des thèmes réacs qui empêchent de parler vraiment de ces sujets. Mais ce n'est peut-être qu'une parenthèse.
Espérons des temps plus joyeux, ouverts et solaires. Ce n'est pas être naïf que de le souhaiter. C'est ce que nous devons à l'histoire de notre pays.