Ho purée je l'avais pas vue venir. Il faut dire à force de prendre des bds au pif à la Bibliothèque des Champs Libres, je me retrouve avec ce genre de surprise. (Parfois, je vous rassure, je me retrouve avec des albums moyens.) Le gros problème si vous cherchez à vous renseigner sur cette bd, c'est que vous allez très vite vous faire spoiler d'un gros retournement de situation dans les 30 premières pages qui m'avait laissé sur le cul.
En gros, ça raconte l'histoire d'une gamine de probablement 10 ans (mais peut-être plus vu qu'elle commence à être pubère) Constance qui est élevée par ses deux grand parents, des notables désargentés, dont l'homme picole et la femme s'occupe de son éducation d'une poigne de fer. On s'aperçoit assez vite qu'on est dans les années 70 et que les grand parents vivent en décalage avec la société, cloitrant leur fille à l'intérieur. Les choses vont changer lorsque par peur des bohémiens, ils vont décider d'embaucher un gardien qui vient avec sa famille et dont les deux enfants vont perturber son monde.
C'est rigolo parce qu'une copine m'avait fait lire récemment le début de Bonne Nuit Punpun et je me disais "hé, mais tu sais dans la bd franco belge, tu as des récits noirs comme ça aussi" (j'avais pensé à Fred Neihard et son terrible La Peur du rouge) et j'y ai repensé en lisant cette bd : cette façon dont le personnage va de mal en pis, dont les enfants sont tous cruels entre eux et dont les adultes sont tous des menaces potentielles. Et pourtant il y a pas mal de passages humoristiques (constance s'enfermant souvent dans ses rêves et étant une gamine très drôle.)
Le tout s'accompagne d'un trait noir qui rappelle Gustave Doré par moment aveec des hachures. Et pourtant on est sur des dessins qui font très enfantins par moment. Il y a comme une dissonance entre le côté limite XIXe siècle dans lequel la petite fille est enfermé et le côté déjà désuet de la modernité des années 70 du dehors : les gens portent des pulls tricot, lisent Pif et vont au supermarché. Le nom de Max Pecas, lue sur une affiche du coin va raviver l'imaginaire de Contance qui s'imagine que c'est un nom de détective privé. L'auteur ne s'épargne pas d'élargir son cadre avec des grandes pages où l'on voit le jardin en friche ou Constance en train de s'amuser dans une aile isolée du bâtiment. Je lis que l'auteur est passé par l'Association et Siné Magazine et il est probable que j'ai déjà vu son trait ailleurs.
Du coup, j'étais en mode "qui a fait cette dinguerie ? Et pourquoi on en parle pas plus ?" et je me suis aperçu que la bd avait été primée l'année de sa sortie au festival d'Angoulême.
Ha oui, bah, c'était mérité.