Si le retour de Pierre-Henry Gomont était des plus attendus en cette rentrée, c’est un retour en fanfare et en grande forme qui se manifeste à travers cet album placé sous le signe du burlesque. En s’inspirant d’un fait réel – le vol du cerveau d’Einstein en 1955 - comme point de départ de son récit, l’auteur nous emmène dans une course folle à travers les Etats-Unis, où le Dr Stolz, détenteur de la « matière grise » du célèbre scientifique, n’aura de cesse de tenter d’échapper à ses poursuivants du FBI, le bocal contenant le précieux « Graal » sous le bras…
Pour l’occasion, le trait de Gomont se fait encore plus vif et nerveux qu’à l’accoutumée, accentuant le rythme effréné de cette comédie déjantée. Les corps se tordent en des angles improbables, les jambes s’étirent démesurément pour mieux courir, et les visages se déforment dans des expressions hallucinées, comme dans un dessin animé digne de Tex Avery. L’image marquante de cette histoire restera celle d’un Einstein mi-fantôme mi-héros de BD au crâne évidé, contemplant d’un air un peu crétin son propre cerveau flottant dans un bocal, puis pour passer inaperçu aux côtés de Stolz, sera affublé d’une casquette de base-ball, symbole vestimentaire fétiche d’une certaine beaufitude yankee…L’autre jolie trouvaille est de voir le professeur, par suite de l’ablation de la zone du langage sur son cerveau (l’aire de Broca), s’exprimer par images. Et quoi de mieux que la BD pour raconter cela ?
L’air de rien, Pierre-Henry Gomont s’est quelque peu documenté pour produire « La Fuite du cerveau », nous livrant une conclusion pour le moins étonnante qu’il serait déplacé
* de révéler ici. Cette excellente comédie macabro-surréaliste, non seulement drôle mais également fascinante, parce que traitant d’un sujet des plus fascinants : la grosse éponge peu ragoûtante emprisonnée dans notre crâne, siège de toutes les créations humaines. Très modestement, l’auteur de « Malaterre » met son envie de « broder ces quelques pages en tous points indignes du génie humain dont il est question (…) sur le compte des mystères insondables que recèle le cerveau humain ». Juste peut-être, comme il le dit, un « besoin vital, et parfois frénétique, de raconter des histoires. Des histoires vraies, comme des histoires fausses ».