Prépublié entre 1968 et 1969, c'est dans un contexte de soulèvement d'une Nouvelle Gauche radicale anti-autoritaire qu'Osamu Tezuka dessine son manga. Il ne s'inclue pas dans cette nouvelle vague, qu'il caricature par des manifestations à tout va, la considérant comme un mouvement un peu fou et enjoué à la mode. Les masses semblent plus gauches que de gauche, à manifester à l'arrivée d'un chanteur au Japon : personne ne sait vraiment pourquoi ils sont là. Tezuka remet encore en question le mouvement lorsqu'il dépeint les masses étudiantes aux ambitions libertaires se faire manipuler par le pouvoir comme de simples pions. C'est la grande pagaille ! Le mangaka au béret de haute couture rigole bien de toute cette agitation, pas un mot en faveur des activistes, mais passons son arbitralité bourgeoise qui ressort peut-être de son côté pataud. On sait Tezuka conservateur, mais on le sait surtout engagé pour l'égalité, et son manque de finesse habituel a sûrement dénaturé son propos plus amusé que moqueur.


Toujours est-il que La Grande Pagaille du DIletta critique le sensationnalisme, la fausseté de l'industrie du divertissement, l'idolâtrie de ces stars truquées voire fabriquées de toute pièce, le comportement des pingres infestants le milieux, et plus globalement de l'avarice, du toujours-plus, du capitalisme, et des risques de manipulation des masses. Il rejoint en ce sens le mouvement de ses contemporains, avertissant des risques de dérives totalitaires avec l'apparition d'un nouveau média : le "Diletta". Il séduit en transportant qui le souhaite dans un monde inventé et fantasmé des idées du gourou le manipulant. Mais méfiez-vous ! Le Diletta est un objet d'ambition pour les plus vicieux arrivistes, méfiez vous du factice.

Ce monde si faux peut devenir la vérité : quand le gourou et ses ondes aliénantes prend en puissance, sa réalité devient la votre. Le passivité des dirigés conduit à la dictature des idées, ne vous laissez pas empâter. Votre esprit est créateur de la réalité, regardez donc le gourou créer le monde comme il le veut simplement en l'imagineant, continuez de réver. Voici à peu près la substance.


La mise en page est simple et fonctionnelle bien qu'un peu grossière. Du texte, des bulles, des lettres et des mots, voici ce dont Tezuka abuse à mon sens dans ses mangas les moins aboutis. Lui qui disait des mangas de Shōtarō Ishinomori qu'ils n'étaient "pas véritablement des mangas", favorisant l'expression par le dessin plûtot que par les mots, aurait dû s'en inspirer. Heureusement, les traits simples et économes permettent d'aérer le manga. Voyez comme les arrières-plans sont souvent remplacés par de simples fonds noirs ou blancs à mon plus grand bohneur, et comme ces personnages aux traits exagérés se démarquent facilement de la page. Sens critique n'admettant pas les images, il est difficile de critiquer le découpage de Tezuka, mais il est pratique et admet beaucoup moins de fantaisies aventureuses que dans ses mangas les plus datés. Il estétonnant de voir à quel point cet ouvrage et moins ambitieux sur la forme que son manga Phoenix, pourtant commencé la même année, regorgeant de procédés ingénieux. On est comme dans beaucoup de ses mangas, sur une histoire illustré. Ce qui compte est surtout le texte, le dessin vient seulement répéter la même chose durant une bonne partie du livre. On retrouve heureusement quelques éclairs intéressants : pages 313 à 316 lorsque la carrière de Manzen est complètement retournée par la rupture avec sa femme, et que le dessin se charge de nous le dire et ne se contente plus de radoter ce qu'on a déjà lu.

En somme un manga social juste, maîtrisé et convainquant qui a su retenir mon attention tout du long, à la conclusion magistrale, sans pour autant se placer au sommet des oeuvres de l'artiste.









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le 8 mai 2024

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