Occupée par l'adaptation en bandes dessinées du prochain film à paraître, Star Wars Épisode II : L'Attaque des Clones, Jan Duursema se retrouva contrainte de faire l’impasse sur le nouvel arc de la série Jedi, baptisé The Stark Hyperspace War, "La Guerre hyperspatiale de Stark" ou simplement Guerre de Stark. Qu'à cela ne tienne, le scénariste John Ostrander se tourna vers le dessinateur italien Davide Fabbri, qui venait tout juste d'achever un autre récit SW pour Dark Horse, The Hunt for Aurra Sing (paru sous le titre Star Wars Le Côté Obscur tome 8 : Aurra Sing en France), très apprécié du public. Dave McCaig s'occuperait à nouveau des couleurs, pour mon plus grand plaisir.


Je n'ai jamais bien compris pourquoi Rite de Passage, sorti plus tard aux USA, est devenu le tome 3 de Star Wars : Jedi en France alors même que la narration de TSHW a lieu quelques heures à peine après la fin du tome 2, Ténèbres : où l'on retrouve Aayla Secura – d'aspect beaucoup plus juvénile sous le crayon de Fabbri que sous celui de Duursema – essayer de se remémorer son expérience comme padawan de Quinlan Vos, avec l'aide de maître Plo Koon, membre du conseil et télépathe, sous les yeux de leurs collègues Tholme, Mace Windu et Adi Gallia. Coïncidence, le pilote de leur vaisseau de transport, un balafré du nom de Jace Dallin, est un vieil ami de Koon, avec qui il a combattu durant le dernier conflit galactique (pour l'instant), la Guerre Hyperspatiale de Stark. Étant donné le rôle proéminent joué par ses deux mentors dans cette affaire, Aayla est curieuse d'en savoir plus. Les vétérans ne se font pas prier.


Ce qui m'a plu dans les deux- enfin, trois… - récits précédents signés Ostrander, c'est qu'ils avaient une identité bien à eux au sein de l'univers SW, tout en piochant intelligemment dans d'autres médias comme le thriller politique ou le roman gothique. La Guerre de Stark est quant à lui totalement dans la continuité de La Menace Fantôme… pour le meilleur et pour le pire.


Le meilleur, c'est d'étendre la galaxie SW, de la rendre plus grande, plus réelle et plus complexe. Jamais Ostrander ne se départira de sa passion pour les bas-fonds et pour le monde de la pègre, et avec cette histoire centrée autour d'un conglomérat criminel intergalactique, il se fait plaisir. Les personnages et les environnements sont ainsi riches et variés, j'y reviendrai. La Guerre de Stark est ainsi un récit épique, beaucoup moins sombre et claustrophobe que Mémoire Obscure et Ténèbres.


Le pire, c'est parce qu'Ostrander a été atteint par le même virus que le grand patron George Lucas lui-même : il est convaincu que ses histoires de taxes sur les routes commerciales sont passionnantes, alors qu'elles assomment franchement le lecteur. Arrivé à la moitié de l'album, j'ai oublié pourquoi tout ce petit monde se battait. La Fédération du Commerce fait son retour et est présentée comme jouant un double-jeu totalement fumeux ; la présence de Dark Sidious à la fin du tome 1 n'apportait pas grand-chose, mais il serait ici venu à point nommé ! Au bout du compte, les ambitions sont affichées, mais le résultat est beaucoup plus provincial que ce à quoi on aurait pu s'attendre.


L'album reste cependant très agréable à lire, ne vous y trompez pas, mais le mérite revient davantage à Davide Fabbri et aux personnages qu'à l'intrigue cousue par Ostrander. La Guerre de Stark a ainsi l'honneur d'être le premier support SW à braquer les projecteurs sur un figurant des trois films de la prélogie, et dont la notoriété n'était pas prête de se démentir, notamment grâce au créateur de The Clone Wars Dave Filoni : j'ai nommé Plo Koon. Qui aurait pu penser qu'une tête de cerveau avec un masque à gaz effrayant serait en mesure de porter toute une aventure sur ses épaules ? Plo-Plo y parvient pourtant grâce à la surprenante empathie que son language corporel parvient à susciter au fil des pages : la mort de son maître Tyvokha est ainsi particulièrement touchante. Ses dialogues aussi font mouche : Plo Koon est un héros typiquement sans peur et sans reproches, mais avec suffisamment de vulnérabilité et d'humour pour que nous nous attachions à lui.


L'autre point fort de ce casting, c'est la combinaison de duos de jedi, Tholme/Quinlan et Qui-Gon/Obi-Wan de l'autre. Ces quatre-là font merveille car ils se complètent tout en étant totalement dysfonctionnels : Quinlan ressemble davantage à Qui-Gon de par son côté iconoclaste et rebelle, tandis que Thome et Obi-Wan partagent le même esprit rationnel et détaché. Pourtant, les deux padawans allaient forger une amitié qui ferait quelques-unes des meilleures pages de Clone Wars.


Le reste de l'équipe a beaucoup moins à se mettre sous la dent, j'en ai peur. C'était l'occasion de faire la part belle à la plus grande victime de La Menace Fantôme, le (futur) chancelier Valorum, mais son apport reste limité. Exemple rare de jedi wookie, Tyvokha est assez cool mais disparaît trop vite. Mace Windu et Adi Gallia ne font guère plus que de la figuration. Jace Dallin est un chevalier blanc à l'américaine.


C'est malheureusement encore pire du côté des méchants : il a beau porter le même nom que la famille royale du Nord, et le prêter à l'album, Iaco Stark fait davantage songer à un Littlefinger au rabais – je soupçonne Ostrander de s'être inspiré du personnage de GGR Martin, jusqu'au port de la barbiche. Ses motivations sont trop floues et sa personnalité pas assez affirmée, au point qu'on se demande comment il a réussi à réunir autant de durs-à-cuire sous ses ordres ; pas étonnant qu'ils se rebellent contre lui ! Nute Gunray est aussi pénible que dans les films, c'est tout ce que je me contenterais de dire. Quant au sénateur Ranulph Tarkin, oncle du personnage joué par Peter Cushing dans le film de 1977, c'est une caricature de militaire raciste et borné. La famille Tarkin n'a jamais eu de chance avec l'Univers Étendu…


Deux personnages totalement anecdotiques se sont toutefois attirés mes faveurs éternelles : Sha Koon, adorable nièce "mini-moi" de Plo, et un Xexto à quatre bras répondant au doux nom de Bilibango, candidat sérieux au titre de meilleur patronyme de tout SW. Ce pauvre Bilibango est pétri de bonnes intentions, mais ce qu'il a gagné en bras il l'a de toute évidence perdu en cerveau, puisqu'en plein milieu d'une bataille il ne trouve rien de mieux à faire que d'invectiver les "méchants qui veulent du mal à Bilibango" (je n'exagère rien, ce sont ses paroles exactes), ce qui vaut ses cicatrices faciales à Jace Dallin. Bilibango, lui, s'en sort sans une égratignure ! Mais après tout, Jar-Jar Binks ne venait-il pas de prouver qu'il y a un bon dieu pour les dangers publics ? "*George Lucas est grand, John Ostrander est son prophète et Bilibango déchire sa p*tain de race*", c'est écrit dans le Livre.


Au final, La Guerre de Stark est une lecture sympathique, qui ne casse pas trois pattes à un bantha. Le trait de Davide Fabbri est élégant mais aussi beaucoup plus naïf et enfantin que celui de Duursema… ce qui correspond mieux à l'histoire, me direz-vous. Il n'empêche, la fameuse guerre aurait gagné à constituer un diptyque plutôt qu'un simple album, car la résolution est un peu facile – encore un point commun douteux avec l'Épisode I… La Guerre de Stark n'a hélas pas son Dark Maul, sa galerie de méchants bien pâlots tirant malheureusement l'intégralité du récit vers le bas, de même que son scénario de base assez inintéressant et ses ressorts tout aussi peu trépidants.


On pourra heureusement compter sur une sympathique galerie de personnages, depuis les figurants des films devenant des héros de guerre comme Plo Koon jusqu'aux cadors des comics en plein adolescence comme Quinlan Vos, en passant par un duo Qui-Gon/Obi-Wan qui se voit donner un peu plus d'épaisseur… sans oublier Bilibango ! Plo Koon is coming, but the night is dark and full of Bilibango !

Szalinowski
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le 15 mai 2019

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