Le self made-man à la sauce Disney.

Sous des dehors de "BD pour enfants", la Jeunesse de Picsou apparaît comme l'œuvre la plus ambitieuse de Don Rosa. Tout le monde connaît le personnage de Picsou, ce vieil avare multi-milliardaire et son fameux coffre-fort géant, mais comment en est-il parvenu à ce stade? C'est à cette question que va répondre la série.

La Jeunesse de Picsou, c'est d'abord l'histoire d'un homme qui par ses propres moyens va accéder à la fortune. Quittant son écosse natale pour les États-Unis afin de subvenir aux besoins de sa pauvre famille, Picsou va parcourir en long, en large et en travers les terres d'Amérique puis le monde entier, à la poursuite d'une fortune qui lui échappe sans cesse. A travers ses aventures le lecteur découvre une société qui évolue au fil des rués vers l'or et des inventions telles que l'électricité. Face à cette société sans cesse changeante, Picsou va s'adapter en faisant preuve d'une ingéniosité sans égale. En parallèle les ennemis (notamment les incontournables Rapetou) qui lui barrent la route vont lui apprendre à se débarrasser de sa naïveté pour adopter un caractère plus méfiant, sans pitié face aux bandits tentant de l'escroquer. Cette évolution est d'autant plus marquante lors de l'épisode en Afrique où Picsou fera pour la première fois face à Flairsou, qui est un de ses rivaux les plus tenaces, où ce dernier après avoir été sauvé par Picsou l'abandonnera en pleine savane.

La quête de la richesse reviendra ainsi comme un leitmotiv chez Picsou, n'abandonnant jamais malgré la forte adversité. La découverte de la pépite d'or asseyant définitivement sa fortune marque la fin de sa quête, et le début de la seconde partie. Les vingt ans passés à parcourir le monde lui ont appris à ne pas se reposer sur ses lauriers, et Picsou va vouloir faire fructifier cette fortune, montrant une ambition démesurée quand il construit son coffre-fort géant alors qu'il n'a même pas assez d'argent liquide pour en remplir le millième. Cette volonté presque maladive de vouloir dominer le monde par sa richesse va le pousser un temps à devenir comme ceux qu'il a combattu lors de la première partie: cupide et sans scrupules. Cette conduite va l'éloigner de sa famille, et malgré son repentir tardif, Picsou aura déjà fait son choix, préférant parcourir le monde à la recherche de toujours plus de richesses et creusant d'autant plus le fossé entre lui et ses proches. Dès lors on comprend mieux pourquoi il ne veut pas se séparer de sa chère fortune: c'est une partie intégrante de lui-même, chaque pièce étant porteuse d'une partie de sa mémoire.

C'est donc un véritable récit de vie à laquelle se livre Don Rosa au sujet de Picsou, bande-dessinée jeunesse oblige, le monde dans lequel évolue Picsou est parodique et édulcoré. Mais loin d'être un défaut, cette caractéristique est une force dont découle un humour touchant enfants comme adultes. Bien sûr quelques passages touchent au dramatique, notamment vers la fin de la série quand Picsou devient celui que tout le monde connaît, mais jamais la série ne vire dans une ambiance totalement sombre, Don Rosa introduisant toujours le côté dramatique en douceur, faisant deviner d'avantage le lecteur de quoi il en retourne plutôt que de lui montrer directement. Don Rosa réalise aussi le tour de force d'approfondir le personnage de Picsou sans jamais créer d'incohérences avec les événements relatifs à sa "vieillesse". Il réussit même à faire dans sa série de nombreuses références aux histoires de Carl Barks mettant en scène Picsou. Et que dire des dessins offrant de nombreux détails au lecteur attentif.

En bref, la Jeunesse de Picsou et plus qu'une bande-dessinée pour enfants, c'est un mythe mettant en scène ce qui est sans doute le personnage le plus ambitieux de l'univers Disney.