BD chopée par hasard, pour 50 cents, le bonheur !
Après avoir lu la préface de Christian Marmonnier, j'avoue que je craignais un peu ce bouquin : il y est expliqué que Forest cherche à surprendre le lecteur à chaque page avec un récit proche du rêve. Personnellement, je ne suis pas très fan des récits où l'on cherche à surprendre tout le temps dans un monde qui ne fait pas sens. Heureusement, les mots employés par l'auteur sont exagérés et ce n'est pas si fou que ça (haa ces maudites préfaces, quand apprendrai-je à ne plus les lire avant de découvrir l'album par moi-même ? les auteurs y développent leur vision et à moins d'y adhérer totalement, ce n'est jamais qu'un élément perturbateur par rapport à notre propre vision de l'oeuvre). On trouve en effet une forme de cohérence et l'on ne s'écroule pas sous une accumulation de surprises. Le récit est même assez sobre, c'est juste que Forest joue plus la carte de la découverte que celle d'une narration exploitant au mieux ses éléments. Peu de conflits, donc, peu de tension, juste une exploration. Il y a bien cette volonté d'en savoir plus, mais c'est un peu faible. Mais ça suffit. Ça suffit à se laisser porter de scène en scène. En plus, y a du sexe, y a des gens un peu fous, y a de la magie... tout n'est pas brodé n'importe comment, les deux derniers chapitres sont assez denses (d'ailleurs jusqu'à arriver là, je me posais la question, en tournant les pages, de savoir si cet album tiendrait le coup une deuxième lecture : oui, grâce à l'exploitation du concept, à l'introduction de personnages caractérisés et exploités, à l'utilisation d'une scène quelque peu spectaculaire).
Le graphisme n'est pas non plus irréprochable : il y a beaucoup trop de trait. Certes, cela donne un aspect 'boruillon', 'brut', 'jeté', mais ça gêne surtout la lisibilité de l'action par moment. Pas gravement, mais il faut s'y reprendre à deux fois pour bien analyser certaines cases. Ce qui est dommage, c'est que Forest dessine bien les corps, j'aurais voulu les voir sans tous ces gribouillis rajoutés gratuitement. Parce que c'est un peu ça : on dirait que l'auteur a bien dessiné les éléments importants, puis il a passé par-dessus tout une couche de hachures et autres traits, le tout totalement inutile, juste pour faire un effet 'rough'. C'est un peu nul. Alors qu'il aurait pu dessiner de manière plus minimaliste, en allant à l'essentiel, ça m'aurait paru plus intéressant comme effet 'brouillon'. Ceci étant dit, ça reste joli à voir, il y a de belles compo, un jeu de lumière timide mais intéressant (car au fond, ce n'est pas tellement pour la lumière qu'il emploie toutes ces hachures, mais pour les deux points suivants), un jeu de plans (avant et arrière) bien géré, des masses de noir qui permettent de structurer et de rythmer les pages. Les personnages sont bien dessinés, les femmes sont sexy (d'ailleurs ça m'a donné envie de choper "Barbarella" juste pour voir l'héroïne sous sa plume), les décors sont bien foutus (à la fois complets et synthétiques).
Bref, je ne suis pas totalement satisfait de cet album, mais ce serait mentir que de dire que je ne me suis pas plu à découvrir cette étrange aventure.