Survivre...
Comment se relever et marcher quand on a été anéanti, écrasé par la douleur ? Comment refaire surface lorsque tout ce que l’on entend et tout ce que l’on voit nous rappelle l’innommable,...
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le 21 mai 2016
7 j'aime
Il est difficile de ne pas comparer cette BD à Catharsis de Luz, œuvre dans laquelle il racontait le choc du massacre de Charlie Hebdo du 7 janvier 2015 et sa reconstruction psychique. La BD de Catherine Meurisse a le même objectif mais l’atteint plus subtilement. Bien que le contenu des planches soit chronologique (en dehors du récit de son recrutement par Philippe Val), elles constituent un patchwork sur le plan de leur forme, passant du dessin très symbolisé aux aquarelles, et du désespoir aux éclats de rire. Cependant, il y a un fil conducteur car la reconstruction de la scénariste-dessinatrice ressemble au jeu pierre-feuille-ciseaux.
Feuille
Le personnage de Catherine Meurisse est un poids plume. Féroce dessinatrice de presse, elle apparaît dans cette BD comme peu sûre d’elle et fragile dans sa vie sentimentale. Elle décrit avec beaucoup de modestie son entrée à Charlie Hebdo et ses rapports avec les géants Cabu et Wolinski, notamment.
Ciseaux
L’horreur du massacre a pour conséquence, comme lui apprend son psy, un état de dissociation. Elle disjoncte, elle implose, elle s’effondre. Elle perd la mémoire et a l’impression de chuter dans une faille temporelle. Elle rêve qu’elle tombe dans la mer ou qu’elle flotte, telle Ophélie, au milieu des nénuphars. Dans la vie réelle, ses deux gardes du corps la coupent du monde extérieur et elle souffre d’autant plus de la solitude que son ami l’a quittée juste avant le 7 janvier.
Pierre
Pour se reconstruire, elle cherche à reprendre contact avec le monde concret. Elle marche sur les rochers au bord de la mer. Elle va dans son « lieu sûr », un chemin creux de son enfance. Elle enlace un grand arbre (« Toi, tu es là depuis toujours, tu ne meures pas, tu ne tombes pas. »). Elle fait une randonnée en montagne puis pars à la Villa Médicis à Rome pour « s’évanouir devant la beauté ». Elle passe du temps avec les statues du jardin de la Villa et court visiter les monuments de Rome (« De l’immuable ! De l’intemporel ! Quelque chose qui ne s’effondrera plus. »).
Feuille
L’art et les artistes lui permettent de « sortir la tête de l’eau ». Elle se remet à dessiner. Elle s’enivre de la beauté des tableaux de maîtres, à Rome puis à Paris. L’art, qui a toujours été sa passion (comme le raconte Philippe Lançon dans sa préface) la sauve. Ça y est, elle a (presque) retrouvé la légèreté.
Une BD à la fois enrichissante et émouvante, simple et belle.
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Créée
le 1 mai 2016
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