Rien n'est plus léger qu'un pet dans le vent

Un peu partagé à la lecture de cet album.


Y a des choses bien. J'aime beaucoup le graphisme, que ce soit dans le registre crobar ou les illu colorées. Dans l'un comme dans l'autre il y a de la justesse, un esprit synthétique mature, un désir d'expérimenter, de croquer la vie, de n'avoir pas peur de se planter. Tout cela est très bien. J'aime beaucoup le découpage, très libre, où l'autoresse passe d'un dessin jeté à ses décors sans souci de transition. Il y a tout de même quelques dessins jetés un peu trop soignés à mon goût, comme Meurisse essayait de faire quelque chose de beau avec ses personnages qui ne le nécessite pas.


C'est l'histoire qui m'a surtout emmerdé. J'aime bien les journaux intimes, j'aime bien quand un auteur nous invite dans sa vie privée, mais il faut savoir rendre ça intéressant. Quand Joe Matt parle de ses problèmes de créativité, il juxtapose ça à son addiction au porno, ce qui rend le tout bien plus intense. Quand Leo Malet évoque sa difficulté à se remettre à sa machine à écrire, il dresse un parallèle avec cette Christianne qu'il essaie d'attirer dans son lit. Quand Virginia Woolf parle de la difficulté à écrire ses romans, elle ne dévie pas trop de son sujet, mais évite en tous cas de l'aborder avec misérabilisme. C'est ça qui m'a emmerdé avec ce bouquin. Meurisse ne prend aucun distance, n'a de cesse de rappeler les événements terroristes, parle de la difficulté à trouver des idées avec trop de premier degré. Il y a bien quelques pages qui font plaisir, qui font rire et qui évoquent la légèreté dont fait mention le titre, mais elles sont bien trop rares et souvent gâchées par la lourdeur du reste. Meurisse dit aussi des choses intéressantes, intelligentes, mais les noie sous un sentiment grossier de mal-être.


Meurisse échoue à rendre compte de ses conflits : elle en parle, mais ne dresse que rarement une situation pour mettre ces conflits en évidence. Le conflit, c'est pourtant ce qui permet au lecteur de s'identifier, de se prendre au jeu. En choisissant de parler plutôt que de jouer avec son médium en mettant en scène, Meurisse empêche le lecteur d'entrer dans son monde, de la comprendre. Parce qu'au final, de cet album je n'ai retenu que ceci : c'est une dessinatrice de Charlie L'hebdo qui parle de ce qu'elle pense. C'est tout.


Et puis ce qui me déçoit, c'est à quel point tout est premier degré. Les dessinateurs de Charlie sont pourtant des gens qui aiment bien amener un sous-texte, amener du second degré. Ce sont d'ailleurs le plus souvent les gens qui prennent leurs dessins au premier degré qui se vexent. Alors la voir raconter son histoire avec aussi peu de distance, autant de premier degré, c'est franchement décevant, parce que ça n'apporte pas grand chose et ça n'est certainement pas un moyen d'amener de la légèreté (le titre était peut-être ironique?).


Bref, c'est pas nul, y a des choses intéressantes, mais c'est lourd à lire, Meurisse a confondu bande dessinée et discours illustré trop souvent au premier degré.

Fatpooper
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le 30 avr. 2016

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