Un album assez particulier dans la série Philémon. Le fil rouge était jusque là de ramener Barthélémy sur la lettre A, et parfois on digressait dû à quelques conséquences de l'album précédent (par exemple ramener le manu manu). Ici l'histoire semble n'avoir aucun rapport, la digression est déconnectée des autres albums.
En fait l'histoire nous raconte que Philémon a perdu la mémoire et que c'est sur le monde des lettres qu'il pourra la retrouver... Pourquoi on ne sait pas trop. Je dirais même qu'il s'agit là d'une incohérence puisque l'on a appris qu'il existe un personnage incarnant la mort dans chaque monde. Suivant cette logique, il semble étrange que la mémoire de Philémon soit dans ce monde des lettres... De même Fred annonce que si Philémon ne croit plus au monde des lettres, ce sera la fin de celui ci. Cette information est assez mal venue pour deux raisons: d'abord parce que, même si le clin d'oeil envers Peter Pan est sympa, cette déclaration n'a pas de sens par rapport à ce que l'on a vu et vécu au travers des précédents albums; ensuite parce que cette information n'aura aucune conséquence sur la suite: le monde des lettres se porte plutôt bien lorsque Barthélémy y arrive.
En fait, le scénario me déplaît par son élément perturbateur si incohérent, mais également par sa fin la plus facile que l'auteur ait jamais pondue: en fait tout ça n'était qu'un rêve. Si le surréalisme ambiant des albums permet à Fred de finir une histoire comme il veut, le fait d'avoir recours à une telle solution relève du simple mauvais goût de la pure paresse scénaristique.
Pourtant le reste de l'histoire est plutôt passionnant. Fred recycle une de ses histoires du 'petit cirque': la ville enfouie sous la neige est en effet l'exact même décors qu'une de ces courtes histoires écrites dans l'album mentionné. Puis il y a cette idée de grêve générale de la mémoire qui est plutôt très drôle, les gendarmes fleurs, les bonhommes de neige défenseurs, l'homme qui boit pour se souvenir... Que d'éléments qui transportent le lecteur. Il est donc dommage que cela commence et termine si mal.
Graphiquement, il m'est plus difficile de faire la comparaison avec les précédents albums puisque je suis en train de lire l'intégrale 11-15 , alors que, jusque là, je lisais les rééditions au format original, album par album. Les pages étant désormais plus petites, certains détails peuvent m'échapper dans la justesse du trait. Néanmoins, je perçois que l'auteur a été moins paresseux et plus précis. Il reste encore ci et là un dessin qui sent la fin de journée, mais ça reste globalement homogène. On s'aperçoit aussi que l'auteur gère mieux le rythme de ses planches avec un découpage plus clair, plus simple (ses pages sont plus souvent aménagées pour 3 lignes de strips et non plus 4 comme c'était souvent le cas au début... son dessin respire alors mieux). Fred se fait également plus discret dans ses expérimentation. Le peu qu'il y a reste sobre. Cela paraîtra peut être insignifiant pour beaucoup, mais j'ai pu constater également que Fred donne plus de place à des personnages féminins (les secrétaires sont des femmes, une sirène met Barthélémy en garde, ...) alors que jusque là le monde des lettres était principalement masculin.
Bref, un album finalement inégal puisqu'il possède de très bonnes choses mais aussi de très mauvaises. A lire tout de même surtout pour les fans de ce monde imaginaire.