Petit à Petit et ses Argon-auteurs se payent les dieux grecs et modernisent la mythologie

Critique et extraits sur: https://branchesculture.com/2017/01/08/mythologie-en-bd-collectif-petit-a-petit-fun-humour-aventure/


Au repas de nouvel an, entre le fromage et le dessert, au moment où votre cousin à branché votre frère et votre soeur sur la mythologie grecque, vous vous êtes senti bien seul? Ça peut se comprendre. Si la culture s'étale comme de la confiture, autant approfondir un peu le sujet quand même. Et on a peut-être un remède pour surprendre votre monde au prochain repas de famille et briller comme Icare au soleil. Les éditions Petit à Petit réédite "La mythologie en BD", commis par plein de chouettes auteurs qui vont vous donner le goût de l'Olympe. Mais attention néanmoins à la colère de cet éclairé de Zeus!


Résumé de l'éditeur: Du Minotaure à Ulysse en passant par Œdipe, un docu-BD de 190 pages qui présente 11 personnages emblématiques de la mythologie grecque.


Et c'est vrai que quand on commence à lire du Homère, Diodore, Ovide ou encore Apollodore, on ne s'arrête pas de sitôt. La preuve? Des millénaires plus tard, les éditeurs (encore Glénat, récemment) ne sont pas rare à faire de la mythologie grecque leur os à ronger sans pour autant en atteindre la moelle. Le sujet est inépuisable et, quand elles ont publié "La mythologie grecque en BD", les éditions Petit à Petit n'avaient, bien entendu, pas l'intention d'être exhaustive. Bien leur en a pris, leur sélection (de la naissance de Cronos, interprétée par Myriam Bouima qui invente Avatar avant l'heure, à Oedipe) fait un excellent résumé de toute la grandeur alliée à la décadence, de tout le symbolisme mais aussi de toute l'horreur, telles qu'enfantées par ces mythes aux multiples versions (la preuve, à travers les époques et encore aujourd'hui, on en retrouve des traces dans des films, des BD's...) dans un mélange de didactisme et de fun assumé.


Et comme il est passé le temps de les prendre (trop) au sérieux, sous la splendide nouvelle couverture (un minotaure en position "to be or not to be") signée par George Underwood, c'est une excellente galerie d'auteurs qui s'attaque à la légende. Des auteurs qui ne cache ni leur bagout ni leur capacité à tourner en dérision les maîtres de l'Olympe (il en faut du courage car les dieux ne laissent rien passer, demandez donc à Sisyphe). Sur les scénarios de Michels Mabel (qui signe aussi les textes explicatifs et richement illustrés par les peintres qui, de tout temps, ont trouvé dans la mythologie une source d'inspiration inépuisable), chacun des auteurs présents en a ainsi fait à sa mode. Sans jamais trahir le propos mais en lui proposant de se moderniser. Certes, Ulysse, les Argonautes et leurs compères ne parlent pas en "djeun" et ne font pas (encore) de mannequin challenge, mais force est de constater que la poussière a été prise sur leurs statures de héros antiques et qu'ils trouvent un écho bien dans l'air du temps. Sans oublier, que dans l'art de revisiter la légende, le petit monde convié par Petit à Petit n'hésite pas non plus à épingler ce que disent ces mythes sur la société grecque et ses défauts (une certaine misogynie, notamment).


Au fil de ces 200 pages, si certains mythes sont bien connus (le tordant Bast ouvre ainsi la boîte de Pandore tandis que l'hilarant Patrick Lacan nous conte les péripéties de Jason), pour d'autres, ce livre arrive à point pour nous rafraîchir la mémoire. Ainsi, avec Marion Duclos qui réussit pleinement à faire ressentir la détresse et la torture de cette histoire, on creuse la montagne de Sisyphe pour voir quelles raisons l'ont mené à être puni dans un éternel recommencement. Et ça, on doit bien l'avouer: on l'avait oublié! Tout comme la genèse de l'aviné Dyonysos qui valait bien une fresque made in Jean-Pierre Joblin. Stéphane Douay, lui, se fond dans le moule et dans l'amphore pour raconter fort judicieusement la tragédie d'Oedipe, et Thomas Balard, en Père Castor qui nous raconte une histoire faite de muscle et de sang, retrace la carrière d'Héraclès. Luk (que vous connaissez peut-être mieux sous le nom de Renaud Farace) affronte un Minotaure qui a bien plus de gueule que celui relâché par les éditions Glénat il y a quelques mois, et Fred Martin se paye l'oeil du Cyclope assez jouissivement.


Si certains auteurs ont depuis gagné des galons (tous ici le méritent tant la qualité est de mise), cet album collectif est aussi l'occasion d'en prendre plein les mirettes avec Julien Lamanda (Prométhée) ou le trait très animé de Pierre Braillon, deux auteurs qui n'ont pas confirmé (dans la BD, en tout cas, car Lamanda a déclaré plus d'une fois sa flamme aux livres jeunesse)... et c'est bien dommage. Éditeurs, réveillez-vous, bon sang!

Alexis_Seny
8
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le 9 janv. 2017

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Alexis Seny

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