Comme Corben, Crumb ou Barry Windor-Smith, ma rencontre avec Druillet s'est faite sur le tard, lorsque je me suis intéressé aux auteurs de la génération me précédant. En premier lieu, j'ai découvert ses couvertures sur les livres de Conan le Barbare. Et j'ai adoré d'emblée ce dessin baroque contrastant avec l'aplat rouge vif du fond, des yeux et de la bouche. C'est énigmatique et terrifiant. C'est cet aspect graphique lugubre qui m'a alors incité à feuilleter l'une de ses BD récemment. Et puis… Ce titre, "La Nuit"… Le texte d'introduction avec ce message violent, son cri de haine face à la mort et à l'amour… Enfin, ce road trip en guise de deuil suite au décès d'un être cher… Je savais que son travail allait me parler. Alors voilà, la lecture de "La Nuit" pourra désarçonner beaucoup de personnes et offrir une lecture éprouvante : texte délirant, enjeux scénaristiques presque inexistants, planches montées en portrait sur 2 pages dégueulant de couleurs psychédéliques… C'est Mad Max revue par Michaux sous mescaline ! Mais hormis ce look et ce traitement branque, "La Nuit" traduit d'une façon terrible et fascinante ce sentiment de colère fulgurante qu'il arrive que nous connaissions malgré nous, à certains moments de la vie : une ultime vague de sauvagerie qui nous emporte.