Très bonne surprise
Je recommande fortement. On suit la vie de Nawell, ses passions, ses démons, ses amours et desamours. Un peu de psychologie. Beaucoup de plaisir à lire. On laissera de côté l'intro un peu moins...
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le 8 mai 2020
2 j'aime
1
Nawel vit une vie « normale » d’adolescente de banlieue parisienne, soudée avec ses copines, blindée face aux garçons, rêvant de liberté contre ses parents. Quand Alice, une nouvelle voisine, lui fait découvrir les Beatles, son monde change : c’est décidé, elle veut faire du rock. Les deux filles montent un groupe : Nawel au piano et au chant, Alice à la guitare. Elles démarchent les labels, les festivals, les tremplins rock, pour tenter de se faire une place dans ce milieu hyper concurrentiel. Elles bossent dur et font aussi la fête parfois. Quand Nawel rencontre un musicien talentueux, elle tombe amoureuse, lui fait écouter ses nouvelles compositions, sans se rendre compte qu’elle ne devrait peut-être pas accorder sa confiance aussi vite.
Cette bande-dessinée était enthousiasmante, au début. Les Beatles, ça peut prendre une place importante dans une vie, comme en témoigne aussi Nowhere Girl. Les débuts d’un groupe de rock, c’est le monde de tous les possibles. On a le cœur gonflé d’espoir, on a la flamme de la passion ! C’est après, que ça se complique. On galère : les festivals ne programment que les groupes ayant déjà produit un album, et les labels n’accordent leur confiance qu’aux groupes qui ont l’expérience de la scène… Quand on atteint enfin cette scène, parfois il n’y a personne dans le public, et parfois il y a un garçon bien plus célèbre sur scène juste après nous. Le talent ne suffit pas à percer. Et après les galères, vient la dégringolade, quand Nawel se retrouve oppressée par le rejet familial, la pauvreté, et surtout le vol de son travail. Voilà où la BD se termine, et c’est pour moi son énorme défaut. La fin d’une histoire, c’est sa conclusion, sa « morale ». Que tirer de cette fin où l’héroïne se retrouve sans études, sans travail, sans argent, sans succès, sans soutien ? Alors, oui, l’histoire du succès d’un groupe de rock, c’est vu et revu ; oui, c’est beau de montrer qu’il faut parfois s’accrocher et ne pas succomber au désespoir. Mais là, aucun futur lumineux en vue pour Nawel. Alors que la vocation même de la littérature et la BD pour adolescent/es, n’est-ce pas d’aider à grandir et à suivre sa voie ? La fin ne se veut pas tragique car l’héroïne ne se laisse pas abattre, mais elle est pourtant terrible sur le plan matériel.
Sur la forme, j’avais été attirée par la couverture, l’espèce d’énergie sauvage qui s’en dégage, l’ambiance nocturne. J’ai été ravie de retrouver ce dessin et cette ambiance tout au long de l’album, avec aussi des scènes plus intimistes du quotidien de Nawel, avec ses parents, seule dans son studio, ou avec son amie Alice. Il y a de belles pleines pages, dans lesquelles Nawel semble pleinement en phase avec la musique. Seul bémol, pour le faire comprendre, la page est agrémentée de paroles de chansons, qui donnent un rendu qui me semble kitsch et cheesy. L’autrice elle-même en dit ceci : « je ne suis pas très fière de mes textes. Heureusement, comme mes personnages sont des adolescentes, je me suis dit que ce n’était pas grave si ces textes n’étaient pas géniaux. Après tout, il s’agit de leurs premiers morceaux. » Personnellement, je le vois comme une excuse qui cache un manque d’exigence : Nawel est certes une jeune adulte mais elle ne manque pas de maturité et est censée être talentueuse !
Dernier reproche, qui m’a empêché de rentrer pleinement dans l’histoire : elle ne me paraissait pas personnelle. Alors évidemment toute fiction n’a pas à être de l’auto-fiction. Mais j’ai eu l’impression en lisant que l’autrice était distante de ses personnages, étrangement, comme si elle ne les comprenait pas vraiment. Du coup, c’est comme s’ils prenaient difficilement corps, comme s’ils étaient une idée fantasmée qui manque de réalisme.
Je suis donc déçue, mais ce n’est clairement pas une mauvaise lecture pour autant ! Elle a le mérite d’aborder des sujets difficile avec beaucoup de finesse : le choc des cultures entre la banlieue et Paris centre, la difficulté de s’émanciper de parents qui certes veulent le meilleur pour leur enfant mais sont pétris de préceptes mi-religieux mi-intolérants, les conséquences d’être victime de manipulation par un séducteur cynique… Si je suis aussi déçue, c’est peut-être justement parce que Nawel est un bon personnage, que c’est une fille forte, et qu’elle aurait mérité mieux.
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Créée
le 13 févr. 2025
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