Je critique ici la mini-série Black Panther de 1988 que j'ai lu en VO et non cette publication VF exacte que je n'ai pas lue.


Pour refaire l'historique vite fait : Black Panther apparaît d'abord dans une histoire des 4F, puis il rejoint les vengeurs. En 73, il a sa première aventure solo, scénarisée par Don McGregor, dans les pages de Jungle Action. En 76, alors que McGregor est en plein milieu de sa 2e grosse saga sur le personnage, Jungle Action est arrêté et à la place un titre Black Panther est lancé, mais scénarisé et dessiné par le créateur du perso, Jack Kirby, qui ne reprend absolument pas les intrigues de McGregor. Après le 12e numéro, en 78, Kirby est éjecté du titre ou claque la porte, je ne sais pas trop, et c'est Ed Hannigan qui prend le relais au scénario. Il termine vite fait l'intrigue en cours et fait revenir le personnage vers ses racines. Il lance des pistes scénaristiques pour essayer de terminer la saga de McGregor arrêtée en plein milieu quelques années plus tôt, mais le titre Black Panther se termine au #15 faute de ventes. L'intrigue est donc finalement terminée dans 3 numéros de Marvel Premiere. Bref, à l'époque, Black Panther ne vend plus trop, et il n'aura plus de séries à son nom ou d'histoires en solo pendant quasiment 10 ans, jusqu'à cette mini-série de 88. Entre temps, il apparaît simplement en guest-star de temps en temps dans différentes séries.


Pour cette mini-série, c'est cette fois-ci Peter B. Gillis qui est au scénario (il avait déjà écrit une histoire de Black Panther dans un annual d'Iron Man de 82, qui faisait vraiment echo au classique Panther's Rage de McGregor), accompagné du dessinateur afro-américain Denys Cowan pour la partie graphique.


J'ai trouvé l'intrigue plutôt intéressante puisque Black Panther doit gérer le fait que l'esprit du Dieu Panthère l'a quitté, jetant le doute sur le fait que T'Challa soit apte à diriger le Wakanda. Et si le Dieu Panthère a quitté le souverain, c'est parce que dans le pays voisin d'Azania, une politique d'apartheid est en place, avec les colons blancs exploitant, maltraitant, torturant les populations natives du pays. Le Dieu Panthère décide alors de posséder un pauvre homme battus par des flics, le transformant en un homme-panthère surpuissant et vengeur, qui prend la tête de la révolte des populations noires du pays, tout en assassinant régulièrement quelques blancs haut placés. Le gouvernement d'Azania réagit à ça en pensant que c'est Black Panther, T'Challa qui mène cette révolte, et ils décident de faire la guerre au Wakanda. Et de manière plutôt originale, puisqu'ils envoient une équipe de super-héros suprémacistes blancs ! Et il y a ensuite d'autres péripéties mais je ne vais pas tout raconter non plus.


Donc vous l'aurez compris, l'Azania est une métaphore pas subtile de l'Afrique du Sud de l'époque, encore en plein apartheid, qui est un sujet qui visiblement passionne l'Amérique d'alors, puisque l'histoire suivante de T'Challa, Panther's Quest, dans les pages de Marvel Comics Presents, confrontera directement Black Panther à l'Afrique du Sud (sans passé par un équivalent fictionnel cette fois-ci).


La mini-série revient sur un thème qui était évoqué dans le film de 2018 : Est-ce Black Panther, et le Wakanda, ne devrait pas agir en faveur des populations opprimées d'Afrique ? Est-ce que Black Panther, en temps que leader et héros, peut soutenir une insurrection violente, même portée par une cause juste ? (et la réponse, qui peut se comprendre, est que T'Challa est en faveur d'un apaisement au plus vite, mais c'est vrai que ses discours appelant à cesser la révolte alors qu'aucune solution diplomatique n'est alors proposée sonnent un peu bizarre)


J'ai bien aimé voir ce T'Challa abandonné par son dieu, affaibli, ayant perdu la confiance de ses conseillers et de son peuple, accusé à tord par un pays voisin, et qui doit pourtant faire de son mieux pour se sortir de situation qui le dépasse, comme cet affrontement face à une équipe de super-héros, alors que lui-même n'a pas vraiment de pouvoirs. Sa confrontation avec le Dieu Panthère est très chouette aussi, ainsi que la scène d'action du 3e numéro que je ne vais pas révéler ici, histoire de vous laisser quelques surprises.


Au niveau de l'écriture du perso, on est vraiment dans la continuité du Black Panther de McGregor, avec un personnages qui se retrouve encore pas mal tiraillé entre les traditions du Wakanda et la modernité des études universitaires qu'il a fait en Amérique, et des prouesses technologiques qu'il a apporté au Wakanda (à l'époque, l'avancée technologique du Wakanda est encore très limitée au seul palais de T'Challa et à sa jungle technologique, et encore considéré comme récente. Je crois qu'il faut attendre le run de Hudlin dans les années 2000 pour cette idée du Wakanda en avance technologiquement depuis très longtemps, même si déjà le run de Priest modernise pas mal les villes du Wakanda, et l'on arrête un peu de voir des huttes et des gens en pagne).


Quitte à parler des détails de continuité, il faut donc noter que dans cette mini-série la divinité principale du Wakanda est encore UN dieu-panthère, et pas encore LA déesse panthère Bast comme ce le sera par la suite (à partir du run de Priest il me semble). Voilà, c'était le point de détail sur le genre de la divinité du Wakanda, et on va pouvoir revenir sur la critique de l'œuvre.


Franchement, j'ai trouvé ça agréable à lire, avec pas mal de bonnes idées, même si ça manque sûrement un peu de subtilité dans la façon de parler de l'apartheid et notamment dans la façon de régler la situation. Mais ça reste fort sympathique. En outre, les dessins de Denys Cowan sont plutôt excellents et plutôt modernes pour l'époque, en allant vers quelque chose de très réaliste dans la représentation des visages, et en hésitant pas à utiliser des motifs plus décoratifs dans la représentation des décors naturels, dans les hachures et l'encrage. C'est franchement plutôt pas mal, même si je ne suis vraiment pas fan de ce T'Challa aux yeux verts et aux iris de chats.


Au final, c'est une mini-série pas forcément indispensable dans l'histoire de Black Panther, parce que je ne crois pas que les personnages introduits ici aient vraiment fait carrière dans les histoires futures du héros. Et je ne suis pas certain non plus que ce soit la meilleure aventure qu'ait vécu le héros, mais j'ai quand même trouvé ça très sympa. Ca change du récit super-héroïque ordinaire, tout en offrant une bonne dose d'action, avec en plus une partie graphique solide. Une bonne surprise.

arnonaud
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le 2 nov. 2020

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