Des fois, on ne trouve rien à dire de négatif.
Dans la lignée des deux premières aventures de l'héroïne, et faisant suite directe à l'histoire, Fred Bernard nous livre La Patience du Tigre.
Si les deux premiers volumes des aventures de Jeanne Picquigny étaient intéressants pour bien des raisons (j'en ai également parlé), on retrouve dans cet album tout ce qu'on pouvait aimer... Et encore plus.
L'histoire arrive à mêler avec crédibilité réalisme hors norme et onirisme déjanté, avec plus de brio encore que dans les autres livres de la "dynastie Love Peacock & Picquigny".
Après une introduction philosophique en Angleterre, on se retrouve projeté au Bengale, et si c'est en noir et blanc, on peut pourtant voir toutes les couleurs de l'Inde.
L'aventure saurait se suffire à elle-même, mais un intérêt notoire de ce pavé de 500 pages, c'est qu'il renferme l'essentiel de ce que c'est d'être un femme. Oui, rien que ça. C'est d'autant plus étonnant venant d'un homme.
Jeanne se pose des questions. Jeanne a la beauté et le charme que détiennent les femmes intelligentes et sensibles s'il en faut: elle est irrésistible.
Amoureuse d'un homme avec lequel elle ne s'entend pas, poussée à voyager par une force qui lui échappe, il n'est pas difficile d'être pris avec elle dans les remous de sa vie, qui sont à la fois rudes et violents, poétiques et songeurs, espiègles et érotiques; elle n'a aucun contrôle sur ce qui lui arrive, même si, au final, elle reste la protagoniste autour de laquelle tout gravite.
Et ce tout de force, que j'ai rarement retrouvé dans une BD -ou tous médias confondus, se déroule dans un décor sublime: celui du dessin de Fred Bernard.
Il fait enrager le dessinateur amateur que je suis. On dirait des gribouillis faits avec une facilité sans pareille, et pourtant c'est si BEAU! Comment ne pas être imprégné de ces paysages d'encre qui défilent, où les mots deviennent parfois superflus, au point de disparaître momentanément...
Et c'est là que réside, selon moi, toute la magie de la BD: c'est participatif.
Libre au lecteur de contempler aussi longtemps qu'il lui plaît les montagnes enneigées, les déserts, les rivières sinueuses dans la jungle, les temples en ruines et autres lisières.
Libre aussi, de lire et relire à son rythme les phrases extraordinaires qu'on trouve dans ce livre, qui rendraient Hugo Pratt vert de jalousie (paix à son âme), qui pourraient donner envie à n'importe quel écrivain/poète de devenir auteur de BD, qui me donnent envie de tout arrêter tellement c'est magnifique.
Ce livre a vraiment un goût (de chef-)d'oeuvre accomplie: on en vient à se demander si ce cher Fred parviendra à atteindre à nouveau un tel pic de créativité.
Je suis FIER d'avoir cette BD dans ma bibliothèque.
Toute personne fascinée par la femme (et d'ailleurs, tout le monde ne devrait-il pas l'être?), tout baroudeur, tout amateur de romans graphiques, de récits de voyage, de dessin féminin, d'érotisme tropical, de poésie, d'onirisme décalé, de philosophie, ou même tout rêveur... Devrait y trouver son compte.
Recette des volumes précédents: http://www.senscritique.com/bd/La_Tendresse_des_crocodiles_suivi_de_L_Ivresse_du_poulpe/critique/35143740
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