La poisse... La poisse... Elle me colle tellement aux bottes que je la porte en surnom. Faut dire que j'ai pas mon pareil pour l'attirer. Pas étonnant que je me réveille avec la gueule qui pique et une méchante démangeaison dans le dos. Si je grimpe sur le vilain qui m'a fait cadeau de ses couteaux, je lui bouffe la langue et je le pends avec ses boyaux. Je suis tenté de retirer les lames qui m'épluchent les omoplates, mais je risque de me vider jusqu'à la mort. Et je suis pas venu dans ce trou pour mourir. La poisse, ça tue pas, ça abîme... Ça endurcit son gobelin.
Foutue Guigne !
Olivier Peru revient avec le cinquième tome des aventures de ''Orcs & Gobelins'', intitulé : « la Poisse ». Un nouveau périple porté par les éditions Soleil qui nous plongent une nouvelle fois dans le gargantuesque univers des Terres d'Arran. Une épopée d'héroïc fantasy d'une richesse surprenante à laquelle se greffe en parallèle d'autres titres dérivés tels que Elfes, Nains, et Mages. Une bande dessinée dans laquelle l'on suit les déboires d'un semi-gobelin/semi-orc : « un orkelin », nommé : "la Poisse", alias "Petit Bleuet". Un mercenaire appartenant à une unité de soldats à la peau verte censés escorter une Baronne jusqu'à la cité de Draek : un village méchamment hanté abritant une forteresse autant lugubre que malfaisante. La Poisse porte bien son nom, puisque à peine arrivé qu'il est assassiné en traître. Une belle manière de commencer cette aventure mortuaire surnaturelle qui n'est que le début du calvaire de notre orkelin qui se réveille en tant que fantôme. Une diablerie qui fait le sel de cet album.
« Je pouvais pas crever comme tout le monde. Une lame en travers de la gueule et en route pour le sommeil éternel. C'était trop demandé... »
Ce cinquième tome a tout d'une fable noire avec son histoire spectrale autour d'un fantôme coincé entre deux mondes qui pour ne pas totalement disparaître devra se confronter aux vivants et aux fantômes.
« Et évidemment, même mort, on essaye de me faire la peau une deuxième fois. »
Un récit spectral bienvenu qui apporte un véritable vent de fraîcheur à l'univers des Terres d'Arran qui ne finit pas de nous surprendre via des scénaristes toujours plus inspirés. Une histoire originale faisant la force de ce périple hanté par des personnages savoureux à commencer par sa vedette. La Poisse est un orkelin sarcastique très appréciable doté d'un vocabulaire ironique amusant avec des bonnes répliques :
« Dire qu'avant je m'accrochais à l'idée qu'après son dernier cri on rejoignait nos ancêtres dans un au-delà paisible où on ne se battait plus que pour le plaisir. Pour les ancêtres je suis servi. Pour l'au-delà paisible en revanche, je me suis fait pigeonner. »
Un personnage principal que l'on prend plaisir à suivre à travers un parcours atypique qui autant dans le fond que la forme le dépasse totalement. Heureusement, la Poisse pourra compter sur l'aide de "Pépère", son défunt grand-père. Un personnage fabuleux mort vingt et un an plus tôt, venue hantée notre héros décidément malchanceux. Un fantôme qui hante un autre fantôme !
« Rater sa propre mort... Se retrouver avec le fantôme de son grand-père sur le dos... Si ça, c'est pas la guigne des guignes, je m'appelle plus la Poisse... »
Un duo tonifiant qui anime avec panache les péripéties d'un récit mouvementé via une chasse aux fantômes survitaminée. Une confrontation qui va amener nos héros verts à croiser l'ultime menace : '' Draek'', le prince des enflures selon la Poisse. Un semi-elfe qui pourrait être un roi noir, un des mages noir les plus puissants du monde, ou juste un bonimenteur rusé qui s'est bien entouré. Un être mystérieux d'une puissance occulte inquiétante. Les esprits qui hantent les environs sont à son service pour le malheur de nos héros qui ont décidément fort à faire. Son but est de créer une famille digne de lui et de son immortalité. Draek, est un méchant réussi composé sur une conjugaison attrayante entre Dracula et Frenkenstein.
Un ensemble de bonnes idées offrant au le lecteur un album dynamique débordant de générosité avec une conciliation subtile entre le drame, l'humour, le frisson et l'action. Les confrontations sont plaisantes à suivre avec une pléiade d'ennemis symbolisés par les ''fils de Draek'', des dégénérés comprenant Nanulf " le nain ", expert dans l'art de la torture qui offrira une dualité ironique avec " L'asticot ", le commit du guérisseur de l'unité des mercenaires verts. Les abominables créations du terrible tyran sont de premier ordre ! Des spectres difformes faisant office de terribles adversaires, sans parler de l'abjecte forme démoniaque bien flippante de Draek : de quoi assurer le spectacle !
« - On tue pas les fantômes avec des lames, gamin ! Faut leur arracher leur âme ! C'est du bon sens...
- Et ça se trouve où, ça ?
- L'âme ou le bon sens ?
- L'âme, chiure de rat !
- La plupart du temps, c'est dans le cœur ou dans la tête. Ça dépend des clients !
- Arracher l'âme d'un tas de viande morte qui fait mumuse avec sa tête alors que je viens de mourir... Y a qu'à moi que ça arrive, ces choses-là ! »
Les dessins de Stefano Martino abreuvés par les couleurs de j. Nanjan offrent un théâtre occulte frissonnant. Des vignettes lugubres proposant des décors sinistres redoutables comme avec le gigantesque arbre des morts sur lequel sont suspendues des cadavres, ou encore la tour funeste servant de château des horreurs. À noter qu'en matière d'exposition d'environnement grandiose et profond, ce cinquième tome est un des moins bien servis de la saga. Une résultante en partie provoquée par la portée intimiste d'un récit confiné. Une élaboration qui en retour offre une toile de fond horrifique efficace avec de bonnes idées de mise en images, comme lorsque Draek passe devant un miroir et qu'on voit sa partie démoniaque se refléter dedans. Un effet d'épouvante grandiose.
CONCLUSION :
Orcs & Gobelins, tome 5 : « la Poisse », signé Olivier Peru, est une nouvelle entrée frissonnante dans l'extraordinaire univers des Terres d'Arran qui nous ouvre les portes du surnaturel par l'épouvante à travers une histoire de fantômes. Un album original porté par un récit diablement mouvementé où se succèdent l'humour, le drame et l'horreur par le biais d'une action impitoyable. Une aventure fantomatique que l'on prend plaisir à lire avec ses deux personnages principaux autant atypiques que sympathiques, qui vont se confronter à un terrifiant adversaire.
Une lecture animée autour d'un excellent tome offrant un vent de fraîcheur aux amateurs des Terres d'Arran.
- Vous êtes comme ces héros des contes de fées.
- Nan, je suis plutôt l'ogre dans les contes de fées.