Y a pas de gros dans cet album de Larcenet

Pas lu le roman. Par contre ce roman graphique me réconcilie avec Larcenet. Pas entièrement non plus.

Disons que le point faible est le récit. L'univers est très chouette, et par rapport au film (que j'ai vu), Larcenet fait des choix intéressants (on est parfois dans un univers qui me semble inspiré par "Mad Max"), c'est un peu cruel, glauque et gore. La quête est intéressante. Le final est bien pensé. Mais en fait on s'ennuie un peu parce qu'il ne se passe pas grand chose. Les deux personnages marchent, c'est ce que l'on retient le plus ; parfois, ils se sentent suivis ou voient au loin d'autres gens qu'ils préfèrent éviter (bizarrement ça ne marche que dans un sens sauf à la fin où ils remarquent qu'ils sont suivis), mais c'est vite expédié ; parfois ils voient des victimes, c'est assez gore et horrible visiblement, mais c'est vite expédié, et encore plus bizarre, même les victimes très récentes ne font pas fuir les héros, pourtant, si ces corps sont là, attachés, c'est que les bourreaux ne sont pas loin, du coup on peut dire que Larcenet sacrifie la logique au profit de l'effet, et c'est un peu dommage (forcément c'est cool de voir le héros marcher près d'un type suspendu). Le plus problématique, c'est qu'il ne montre que les conséquences mais pas la violence, du coup il est difficile de vraiment avoir peur lorsque la petite famille rencontre une troupe de 'méchants' ; le lecteur n'est pas stupide et comprend, donne raison au héros, mais ne pas voir, même de façon suggérer, c'est finalement priver le lecteur d'une émotion plus forte qu'un raisonnement.

Le graphisme est le point fort de la BD : Larcenet s'est vraiment amusé avec les textures, expérimente librement sur son ordinateur pour obtenir des rendus sympathiques. C'est répétitif, on se dit d'ailleurs que l'auteur aurait pu intervertir plusieurs planches sans que ça ne choque qui que ce soit. Mais c'est joli. Est-ce que ça compense l'absence de texte ? Je pose la question parce que le bougre a dit en interview qu'il espérait, avec tous les détails graphiques mis, que le lecteur ne tournerait pas les pages trop vite. La réponse est non. Larcenet a beau multiplier les traits, ces détails ne racontent rien en fait. Pour être cruel, je dirais qu'un album de "Leonard" par Turk et DeGroot est bien plus riche visuellement que "La Route", dans le sens où les deux auteurs travaillent l'arrière plan pour y donner une seconde lecture. Dans les pages de Larcenet, ici, il n'y a que ce que l'on voit en avant plan, le reste, c'est de l'effet, de l'ambiance, qui ne fait qu'appuyer le propos et non ajouter d'autres informations. De plus, la grammaire de Larcenet est assez sobre, ce qui n'est pas un mal en soi, ce que je veux dire c'est que passé les 5 premières pages, on a à peu près tout vu, tout compris de son langage graphique (quelques couleurs rouges apparaîtront plus tard, ça fait d'ailleurs bien son effet) ce qui rend la lecture encore plus rapide. Mais c'est joli, la mise en page est bien pensée les effets sont maitrisés, les personnages sont bien dessinés, les ombres sont gérées. Quant au texte, la typo est bien travaillée et le placement des phylactères est correct ; le dessinateur a composé ses planches sans penser au texte à ajouter, il a donc dû le faire en essayant de ne pas rompre l'équilibre de ses pages, il a avoué avoir échoué pour certaines... personnellement je n'ai pas remarqué de page réellement affaiblie par le placement du texte, ou alors c'est très très léger ; en effet, le bonhomme joue plutôt bien avec le sens de lecture, la position des bulles, ça colle bien.

Bref, un album très joliment fait, un peu glauque, très pessimiste, pas assez développé narrativement mais plaisant à lire.