C’est rare qu’un dessinateur français décroche le Fauve d’Or à Angoulême.Et cela méritait un coup d’oeil approfondi. Jérémie Moreau, à des années lumière de la bande dessinée franco-belge, livre un récit puissant et habité grâce à deux points essentiels: la nature de son anti-héros islandais rejeté et la force évocatrice de son dessin proche de l’aquarelle.Grimr est roux, pas franchement beau, si bien qu’il est stigmatisé par la communauté islandaise voyant en lui un personnage disgracieux de saga: le troll. Heureusement des rencontres lui rendront par moments toute sa légitimité, lui qui est bafoué au quotidien.Le sous-titre de cette bande dessinée pourrait donc être seul contre tous mais tellement vivant. On adore comment Jérémie Moreau s’est approprié l’Islande, comment il éclaire la relation contrariée du pays avec le Danemark et comment il fait ressentir son histoire plus avec la force graphique qu’avec le dialogue.Les actions exacerbées, pas vraiment justifiées de certains islandais étant beaucoup plus révélatrices que leurs piètres paroles.J’avoue avoir été un peu dérouté par l’épilogue de l’histoire mais il me semble désormais en total osmose avec l’âpreté de cette saga. Lisez la Saga de Grimr pour ses qualités narratives, ses couleurs merveilleusement travaillées et son message universel qu’est cette lutte permanente pour rester soi-même dans toute adversité.