Piètre connaisseur de l'Islande, mais aussi de l'auteur de cette BD (roman graphique ?), j'ai fini par me plonger dans cette saga qui reposait quelque part chez moi (enfin, quand même dans une BDthèque... Et ce fut bien.
Sortir des sentiers graphiques battus
C'est l'Islande qu'on dessine, mais aussi Grimr, enfant, puis adolescent, puis jeune adulte. Le personnage nous apparaît comme un dessin assez fort, tranchant parmi les autres, plus dessiné, presque, plus réfléchi. Du genre : comment refléter la puissance, la générosité, la loyauté de ce garçon ?
Et l'Islande, alors, que dire d'elle ? Elle est pleine de nuances, le dessin, mais surtout les couleurs et leurs agencements, s'adapte à la saison, à la géographie des lieux, à l'humeur du moment, au sombre des maisons d'une Islande bien pauvre. Même si la couverture reflète bien l'unité graphique à laquelle il faut s'attendre dans cette oeuvre, elle en est à la fois l'emblème et la limite, tellement Moreau s'applique sur ses cases (comme on dit l'ancienne).
Aller chercher son destin avec les mains
Grimr est appelé à un destin hors du commun. Et pourtant, tout se met en travers de sa route. Et pourtant, il y a toujours quelque chose qui le sort du caca. A la fois quelque chose qui tient à lui, à ce qu'il est, ce qu'il semble représenter, à ce qu'il fait aussi : il est fort, fier, gentil, simple, sans malignité. Il a un but, mais on ne sait pas lequel. Lui-même le sait-il ? A-t-il un dessein de grandeur, de sauveur, de simple berger ? Nous verrons bien, mais les fausses pistes sont légion.
Ne faire qu'un, Islande et Grimr
C'est sans doute de cela qu'il s'agit. L'Islande, à mesure qu'avance l'histoire, semble refléter de plus en plus les sentiments de Grimr. Lui-même semble comprendre à qui s'attendre avec cette terre inhospitalière. Cette histoire n'a pas de vocation rationnelle. Elle nous amène vers une forme de spiritualité, de fusion homme / terre / climat (le fameux terroir, finalement). Et c'est ça qui bouleverse dans cette histoire graphique, très graphique.
Il existe une tendance très forte dans la BD moderne (je n'en suis pas le spécialiste) à tout miser sur les personnages et l'histoire pour abandonner ce qui les entourent. Outre, peut-être, une technique supplémentaire à acquérir, on peut aussi émettre l'hypothèse que l'investissement temps qui doit être consacré à dessiner les paysages, par exemple, est trop élevé eu égard à la rentabilité d'une BD. Mais quand c'est réussi comme ça, on ne peut qu'encourager les auteurs à plus investir cette partie des petits miquets.