La lecture et le visionnage de Erased m'avait tant plu que j'avais envie de poursuivre du côté des mangas de Kei Sanbe. J'ai lu L'île de Hozuki que j'ai bien aimé, mais sans plus, et j'avais laissé de côté Echoes car l'oeuvre était en cours de parution et je n'avais pas envie d'être dans le suspense sur plusieurs mois. Je veux bien retarder de quelques jours la lecture d'une intrigue, mais ma patience a des limites. Je lirai Echoes prochainement sans doute. Là, j'ai récupéré les six volumes du Berceau des esprits.

Je vois que certains tombent sur ce manga, ce serait une histoire de zombies bon marché et il y aurait du fan service par les attributs sexuels outranciers de plusieurs filles.

C'est plus compliqué que ça.

Premièrement, il n'y a pas de scène de sexe ou de baisouille dans les mangas de Kei Sanbe.

Deuxièmement, Erased ne fournit aucun fan service en termes de boobs, etc.

En revache, oui, il y a du dessin de grosses poitrines et de grosses fesses dans L'île de Hozuki et Le Berceau des esprits avec de la nudité. Mais il n'en reste pas moins que ce n'est pas le traitement ecchi à la con auquel ceux qui vous avertissent qu'il y a du ecchi et des boobs renvoient. Oui, c'est quand même du fan service, mais ça ne dessert pas l'histoire et ça ne devient jamais un élément sur lequel l'intrigue se centre. Oui, dans Le Berceau des esprits, il y a un amour naissant entre deux êtres qui se retrouvent nus à cause de la situation, mais c'est traité correctement. La fille dit au garçon : "là tu es trop pudique, mais ce n'est pas le moment de penser à ça si on ne veut pas mourir!" Et de toute façon, vous n'aurez pas les mamours...

Il y aura cependant plusieurs fois le thème de l'envie de pisser, ce qui fait qu'en termes de fan service malsain Le Berceau des esprits est clairement le plus choquant des mangas de l'auteur.

Mais bon...

Moi, je m'y retrouve. Je m'en fous du fan service, je ne suis pas dans des dessins que je trouve si excitants que ça. Oui, c'est un peu grossier comme fan service, mais je lis ça en m'en foutant, et cette dimension sexuée fait de toute façon partie intégrante du thriller qu'on a entre les mains, et dans ce thriller on a une dimension psychologique des personnages encore une fois passionnante.

Ce n'est pas de la psychologie fouillée d'un individu, mais on a des personnages qui réagissent selon leurs traits de caractère profonds, on a du côté des gentils et des héros des gens qui donnent tout leur coeur, et des visages qui rayonnent innocemment. On a des personnages qui ne sont pas ce qu'ils semblent être, des personnages qui interprètent mal certaines scènes, etc. C'est du très bon dans un thriller.

L'auteur a choisi aussi un cadre narratif étonnant en six tomes. Il y a très peu de scènes à l'extérieur du bateau, scènes de souvenirs pour l'essentiel, on est donc dans un huis clos, un bateau retourné en mer dont il faut s'échapper, ce qui veut dire remonter à la surface, par un trou sans voie d'eau. Et l'originalité, c'est que l'auteur fait commencer l'histoire quand le bateau est déjà retourné et qu'il y a déjà pas mal de massacres par un tueur fou de commis. On débute l'histoire au beau milieu de l'action sanglante. On va suivre que la remontée des survivants, lesquels vont découvrir que le fou meurtrier est un zombie qui a contaminé des victimes.

Ce cadre narratif s'accompagne d'une bonne gestion des retours en arrière, d'une bonne gestion d'explications techniques pas trop lourdes à digérer pour que le tout public puisse suivre et appréhender les événements. Il y a les explications sur la suspension, l'écoutille, le fait de redresser le bateau, etc.

Il s'agit donc de survivre à un drame en mer, avec un cadre narratif où l'eau ne sera pas si omniprésente, on est beaucoup plus dans le voyage dans un immense paquebot à l'envers, avec des secousses à certains moments, il y a des endroits inondés, mais on n'a pas trop un récit sur le sentiment que tout le monde va être noyé. L'auteur privilégie vraiment l'idée d'un monde isolé, sans secours immédiat possible, où affronter des zombies qui peuvent surgir sur votre passage.

Très rapidement, le récit enchaîne sur l'idée que les humains peuvent s'entretuer tout en n'étant pas des zombies. Les passions mauvaises se réveillent, et comme la contamination prend un certain temps cela finira par un récit opposant ceux qui par leur caractère aggrave immédiatement leur contamination et ceux qui gardent l'esprit de sacrifice. On peut tiquer un peu sur la facilité avec laquelle le récit met en place certains méchants, mais malgré tout c'est très prenant, le récit fonctionne bien.

On voit des regards évoluer sur certaines personnes, on a aussi droit à de superbes mises en scène. Par exemple, on a des cadrages d'images sur quelques pages où les personnages dominent, et puis un d'entre eux se prépare à traverser quelque chose de périlleux, mais on ne le voit pas, puis on tourne la page, et là illustration de double page avec du décor, des effets de perspectives, un passage étroit et tordu et une disposition des personnages habiles avec spectateurs et gars qui met le pied dans le danger, et cette dimension épique au lieu d'être utilisée pour ajouter un événement dangereux l'auteur l'utilise pour faire se dévoiler les sentiments d'un personnage.

Ce que je viens de dire, c'est la preuve que ce manga c'est du sérieux et qu'il est bien écrit.

Vers la fin du manga, on a une mise en scène "dormons ensemble" avec des souvenirs, avec des bords noirs de la page en-dehors des cases, pour parler d'une mort solitaire, et c'est génial parce qu'on a un glissement du sacrifie pour des amis et leurs sourires en multiples portraits à une solitude, comme si le personnage sauvant les autres arrivait tout seul au paradis et il y retrouve un être de son passé. C'est super bien fait.

On a des personnages de méchants qui posent parfois certains dilemmes. Quelle est la manière la plus rationnelle de s'en sortir ? On est choqués et en même temps impressionnés par certaines décisions qui ont du sens. Il va de soi que ce n'est pourtant pas les bons choix à opérer.

On a aussi une exploitation intéressante de la persistance de vie d'un zombie. Le zombie doit bouffer des cadavres humains pour se régénérer, il peut recréer ses membres, mais sans manger il finit par mourir. On a une scène assez folle où un zombie décapité regarde son propre corps sans tête et meurt, et tout le mouvement est super bien conduit et comme on a des zombies qui ont encore une relative conscience humaine on a droit à de dernières réflexions tout à fait typiques du personnage et tout à fait dingues.

C'est un manga où l'auteur se fait un peu plaisir avec des scènes outrancières, le récit est plus maîtrisé dans L'île de Hozuki ou dans Erased. Ici, ler récit est plus dramatique et en même temps moins fouillé, moins cohérent, mais on a des scènes qui ont vraiment de la gueule, c'est donc des qualités différentes de l'auteur qui vont primer finalement.

On passe un bon moment, c'est une lecture intelligente, même si forcément c'est aussi un manga qu'on lit aussi pour le gros délire.

L'intrigue est bien conduite, les événements et les interactions entre personnages on n'est pas du tout lisse et tout couru d'avance, même si certains retours sont stéréotypés. Tu veux lire un thriller et que ce soit assez intelligent, tu lis Le Berceau des esprits.

davidson
6
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Créée

le 24 févr. 2023

Critique lue 35 fois

davidson

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