Conclusion parfaitement logique d'une saga que je peux désormais juger (après l'avoir enfin lue) terriblement surestimée (comme quoi avoir des préjugés peut s'avérer de temps en temps justifié !), "le Bois d'Ebène" semble concentrer toutes les qualités (indiscutables) et les défauts (criants) de l’œuvre de Bourgeon. Le foisonnement d'intrigues et de morts violentes atteint un véritable paroxysme au cours de ce long huis clos sur un navire soumis à une terrible tempête et à une non moins terrible mutinerie, mais le lecteur reste bien souvent en rade, tant la narration de Bourgeon est impuissante à traduire l'action, et trahit complètement le souffle feuilletonesque dont rêve l'auteur : incapables de comprendre ce qui se passe au fil de cases souvent mal composées, on en devient assez vite indifférents quant à qui se fait tuer et qui survit. Fatigués par l'abondance de dialogues et de caisses de textes explicatifs visant à pallier la confusion créée par l'image (preuve s'il en est que Bourgeon se sait un piètre "metteur en scène"), on a rapidement envie que "le Bois d'Ebène" se termine... On peut aussi malheureusement déplorer que Bourgeon ait clairement une tendance à bâcler ses mini-fictions, abandonnant ses personnages secondaires à leur destin et passant négligemment à autre chose : cela pourrait être un style, j'ai l'impression qu'il s'agit plutôt de maladresse. Bref, au risque de faire hurler les fans que je sais enragés, j'ai envie de dire que les meilleures pages des "Passagers du Vent" sont les toutes dernières, les seules où Bourgeon semble prendre son temps, laisser à ses superbes aquarelles le temps de nous dire quelque chose de profond sur son personnage principal, oui, autorisant enfin à son récit une respiration. Une vie, qui a terriblement manqué au cours de tout ce qui a précédé. [Critique écrite en 2015]