Très belle rencontre entre un dessinateur au style rétro, Darwyn Cooke, et un auteur de polar célébré pour son efficacité et sa concision, Richard Stark (pseudonyme du regretté Donald Westlake).
Publié dans les années 60, The Hunter avait fait forte impression en inaugurant les aventures de Parker, l'anti-héros le plus froid et brutal qu'il puise être.
Deux adaptations ont précédé le travail de Cooke: un film mythique, infidèle mais brillant, Point Blank, avec un Lee Marvin impérial en macho désabusé, et Payback, film sympathique mais quelque peu mineur, collant de plus près à l'oeuvre original, avec un Mel Gibson en roue libre et sans pitié (comme dans la vie, quoi).
La mise en pages de Cooke est brillante, à commencer évidemment par la dizaine de pages muettes qui ouvre le récit, nous faisant d'entrée rentrer dans la peau de Parker, nous démontrant son professionnalisme et sa détermination à obtenir sa vengeance.
Pour donner un équivalent de la rugosité, de l'efficacité absolue de Stark, Cooke joue sur la simplicité d'un traitement bichrome, la suggestion et les aplats de noir.
Pour l'incarnation papier de Parker, Cooke réussit à se démarquer de l'image emblématique de Lee Marvin, revenant à l'inspiration première de Stark, à savoir une version musculeuse de Jack Palance, cette grande geule cassée du Cinéma.
Sur le plan de la narration, Cooke opère à des raccourcis intéressants, qui font gagner en simplicité mais aussi en force le récit, rendu encore plus implacable.
Le découpage en quatre chapitres, trois selon le point de vue de Parker et un selon les personnages secondaires, technique qu'a toujours prôné Stark dans la saga des Parker, insuffle ce qu'il faut d'inventivité et de piquant à l'histoire.
Il est intéressant de noter que dans la seconde adaptation de Stark par Cooke, The Outfit, suite directe de The Hunter, pas encore traduite en France, le dessinateur est allé encore plus loin dans sa prise de libertés narratives (procédant toujours à des choix intelligents) vis à vis de Stark, osant également des ruptures de ton avec un dessin qui varie selon les chapitres, tout en gardant ce qui fait le brio de la saga et tout le sel du personnage principal: une efficacité implacable, une accumulation de tours de force stylistique, dans le texte comme dans l'image.
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