Je ne sais pas si le très beau titre de la BD est forcément très vendeur, car sans le bandeau rouge mentionnant Céline qui peut attirer l’œil, j'aurais sans doute pas arrêté mes yeux assez longtemps sur la couverture pour y reconnaître l'auteur.
Le titre est tiré d'une citation de Drieu sur Céline dans la Nouvelle Revue Française et est plutôt bien choisi, tout en ayant une certaine évocation poétique. D'ailleurs reprendre une citation de Drieu permet tout de suite d'évacuer toute la question de la guerre, de la collaboration, on sait que le bouquin ne va pas venir le reprocher à Céline pendant des pages et des pages en allant inventer tout et n'importe quoi pour l'accabler de tous les maux.
L'album narre donc les derniers jours de Céline, sans doute inventés, on invente une intrigue avec deux jeunes en fuite, on imagine sa dernière rencontre avec Michel Simon et Arletty... Mais l'essentiel n'est pas là, l'essentiel est dans les évocations de sa vie...
Céline se souvient de ce qui a marqué sa vie, la perte de ses manuscrits à la libération (dont la fin de Casse-Pipe), son passage à l'armée en 14, sa rencontre avec Lucette, bref sa vie... dans ce qu'elle a pu avoir de dure, de compliquée, notamment la fuite avec La Vigue, Lucette et Bébert, mais aussi dans ce qu'elle peut avoir de beau, notamment avec les femmes. C'est l'occasion pour les auteurs de tirer un trait sur l'antisémitisme de Céline, d'en faire juste quelqu'un d'humain... médiocre... sale... mais humain.
Les dessins sont beaux et rendent bien les mélanges entre les différentes époques, les apparitions... notamment l'apparition de Destouches lui-même, sur son cheval, comme un cavalier apocalyptique.
On ne peut donc que saluer la réussite artistique évidente de l'album, d'avoir réussi à offrir un portrait personnel d'un personnage ô combien controversé, mais sans le salir...
Après, certes, ce n'est pas parfait, notamment au niveau de la narration faite par le personnage de Céline lui-même, où l'auteur tente d'imiter son style, il le cite parfois, il insère ses citations dans un autre contexte... ça fonctionne plus ou moins bien... Disons qu'on ne sent pas toute la hargne de Céline et que celle retranscrite semble parfois bien factice car elle n'a pas l'aspect direct et frontal que peut lui donner Céline.
Mais ça reste une œuvre franchement plaisante, pour un exercice bien casse-gueule.