Vendre n'est pas un jeu ; c'est une affaire sérieuse

J'aime beaucoup Joe Matt et Chester Brown. Je connais donc Seth. J'ai feuilleté quelques uns de ses bouquins en librairie et je ne me suis jamais trouvé emballé par cette brève lecture. Du coup, je n'ai jamais vraiment cherché à me les procurer. Le dessin me refroidissait et les histoires ne m'intéressaient pas. Ce qui est bizarre vu que j'apprécie Chris Ware et que l'on peut constater des similitudes entre les deux artistes. Plus récemment j'ai tout de même décidé de lui donner une vraie chance, surtout que cet auteur, un copain me l'a toujours vendu comme étant un génial créateur. J'ai donc mis son nom sur une liste adressée au père Noël ; il a choisi un autre nom, pas de bol, ce sera pour plus tard je me suis dit. Et puis un jour je découvre cet album en occasion à 50 cents ! Là j'étais sûr de ne pas prendre de trop gros risque.


Et bien j'ai beaucoup apprécié. Ce n'est pas génial, on sent que ce tome 1 dépend de sa suite, suite qui, semble-t-il, ne sera jamais éditée en VF, ce qui me fait dire que si je veux terminer cette BD un jour il faudra que j'aille dans le rayon anglophone de mon libraire. Le scénario comporte deux parties : une première assez prenante, lançant quelques enjeux sur un concept inattendu et efficace : un bonhomme nous parle tout en accomplissant sa petite routine : se lever, manger, se laver, lire, glandouiller, manger, etc. Et ce faisant, il nous parle de lui, de son entreprise, de ses rêves et puis surtout de son frère, Simon, un loser introverti qui occupera la deuxième partie du bouquin. Sauf qu'au lieu de parler au passé, l'auteur nous parle au présent et l'on assiste donc aux pérégrinations de ce démarcheur. La fin est un peu faible, c'est un peu facile et ça manque d'enjeu, mais toute la quête pour en arriver là reste passionnante car on ressent les conflits intérieurs, on sent aussi que le héros pourrait s'en sortir un minimum, qu'il reste donc de l'espoir. Tout cela donne furieusement envie de parcourir la suite.


Graphiquement, Seth n'est pas Chris Ware, mais il se débrouille plutôt bien. J'aime beaucoup son graphisme épuré, minimaliste. Seule petite bavure : l'ombrage sous le nez. Je me souviens qu'un de mes profs nous avait toujours déconseillé de faire l'ombre du nez parce que souvent ça donne l'impression d'une moustache de Hitler. Et c'est ici que j'ai pu constater que ce qu'il disait n'était pas sot : Chester donne vraiment des allures Hitlerriennes à son personnage à cause de cette ombre et c'est un peu dommage, surtout que c'est la seule ombre sur laquelle il insiste pour qu'elle soit présente à chaque page. Plus étrange encore, les autres personnages ont parfois cette ombre là aussi, mais en grisé et non en noir, ce qui la rend moins voyante. Soit. Pour le reste, je me suis aperçu que même sans être complètement rigoureux (certaine ligne pas assez droite, pour un poteau par exemple), ça reste agréable, Seth parvient à créer un univers graphique cohérent, qui fonctionne en soi. Un dessin isolé aurait peut-être moins de force, mais ici il parvient à boucler cet univers à faire en sorte que ça ne déborde jamais. Et donc, ce style de dessin qui ne m'enchante pas a priori ne m'a au final posé aucun problème. Les personnages ont de bonnes têtes, j'aime bien le langage corporel réduit à son strict minimum. Les masses de noirs rythment parfaitement le dessin, de même que le choix épuré de couleurs. Enfin, le découpage est très efficace, surtout en ce qui concerne la première partie que je me suis plu à relire une deuxième fois sans faire attention aux phylactères. Il faudrait que je prenne le temps un jour de reconstituer la maison via un plan, la mise en scène est tellement fluide que j'ai l'impression que cela est faisable sans trop de difficulté.


Bref, j'ai bien apprécié ce premier tome. Seul regret, c'est qu'il dépende autant de ses suites : l'auteur se contente principalement de poser ses enjeux, de survoler les problèmes, mais on sent qu'on est loin d'entrer dans le cœur du sujet. Par conséquent, c'est prenant, parce qu'on veut en savoir plus, mais on se rend bien compte que ce n'est qu'un avant goût et l'on reste donc sur sa faim en refermant le livre.

Fatpooper
7
Écrit par

Créée

le 20 mai 2016

Critique lue 151 fois

1 j'aime

4 commentaires

Fatpooper

Écrit par

Critique lue 151 fois

1
4

Du même critique

Les 8 Salopards
Fatpooper
5

Django in White Hell

Quand je me lance dans un film de plus de 2h20 sans compter le générique de fin, je crains de subir le syndrome de Stockholm cinématographique. En effet, lorsqu'un réalisateur retient en otage son...

le 3 janv. 2016

122 j'aime

35

Strip-Tease
Fatpooper
10

Parfois je ris, mais j'ai envie de pleurer

Quand j'étais gosse, je me souviens que je tombais souvent sur l'émission. Enfin au moins une fois par semaine. Sauf que j'étais p'tit et je m'imaginais une série de docu chiants et misérabilistes...

le 22 févr. 2014

120 j'aime

45

Taxi Driver
Fatpooper
5

Critique de Taxi Driver par Fatpooper

La première fois que j'ai vu ce film, j'avais 17ans et je n'avais pas accroché. C'était trop lent et surtout j'étais déçu que le mowhak de Travis n'apparaisse que 10 mn avant la fin. J'avoue...

le 16 janv. 2011

107 j'aime

55