Loin de la mer, sous le soleil brûlant de l'Afrique (bien rendu par les couleurs des aquarelles de Bourgeon), "les Passagers du Vent" perdent une bonne partie de leur magie dans ce troisième tome qui se révèle très pesant. Techniquement, on reste proche du tome précédent, le dessin souffrant des mêmes défauts : un déficit d'expression dans les visages, qui plombe un récit sensé être plein de bruit et de fureur (... sans même parler de l'étrange féminité de Aouan !), et surtout ce problème endémique que Bourgeon semble avoir pour exprimer des mouvements complexes. Alors que le péripéties abondent - encore une fois, sans doute un peu trop même - dans le scénario du "Comptoir de Juda", les scènes d'action sont illisibles, et donc vont à l'encontre de l'efficacité du récit : il suffit de voir comment Bourgeon échoue à "montrer" ce qui se passe dans le village de Caraçon pour saisir le handicap fondamental des "Passagers du Vent", un décalage fatal entre les ambitions du récit et les compétences techniques de Bourgeon. Car, une fois encore, on peut louer Bourgeon pour ses ambitions pédagogiques (nous expliquer le plus clairement possibles le mécanisme de la traite des nègres au XVIIIème siècle, ainsi que les mentalités de l'époque), pour la précision de la description d'une époque fascinante, et pour la complexité des rapports humains qu'il met en scène. De ce point de vue, il est indiscutable que Bourgeon, quelles que soient les nombreuses limites formelles de ses "Passagers du Vent", a participé de manière notable à la transition au début des années 80 vers une BD "adulte".