Les dieux immortels règnent sur l'univers. Tout ce qui vit craint leur pouvoir. Tout ce qui vit, sauf une créature. Un enfant...



Comment décrire cette incroyable saga ? Je crois que c'est impossible avec de simples mots.
En fait, on ne lit pas cette bande dessinée, on la voit.
Et même plus, on la contemple.
C'est du cinéma. Et du bon cinéma.


De fait, Alex Alice pousse là son talent de narrateur et de dessinateur à un sommet. Le dessin, le montage, les dialogues, le scénario, et même la musique (parce qu'on a forcément Wagner en tête) : tout est là pour faire de cette bande dessinée un merveilleux film. C'est du blockbuster en BD, mais du grand blockbuster : Siegfried, c'est Le Seigneur des Anneaux d'Alex Alice. Et c'est aussi ample, épique et grandiose que les films de Peter Jackson...
Son dessin est d'une finesse incomparable, chaque trait, même le plus petit, est porteur d'un sens trop grand pour être saisi dès la première lecture, écrasant le spectateur (et non plus le lecteur) comme le destin écrase les personnages de la saga. Ces immenses cases dans lequel on se plaît à perdre pied, à se noyer pour se laisser submerger par la grandeur des images, ces dessins qui se meuvent dans l'esprit émerveillé d'un spectateur égaré en plein rêve sont d'une magnificence que peu de bandes dessinées contemporaines peuvent se vanter d'égaler. Ne sombrant que (très) rarement dans le kitsch, tout est maîtrisé chez Alice : contrairement à beaucoup d'auteurs et de réalisateurs, il crée un art du grandiloquent. Son dessin toujours stylisé utilise toutes les ressources du medium qui est mis à sa disposition pour constamment dépasser le cadre limité de la page et nous ouvrir un monde.


La narration choisie par Alex Alice est absolument brillante : d'habitude, je n'aime pas trop ce genre de récit qui raconte toute son histoire en flashbacks ou en flashforwards, donnant trop souvent l'impression qu'on n'assiste pas à la "vraie" histoire mais à une version qui nous en garde à distance. Ici, pas du tout : au contraire, c'est cette narration qui, en se jouant des temporalités comme le meilleur Christopher Nolan, donne tout son sens à l'oeuvre colossale d'Alex Alice, et nous offre une réflexion puissante sur la vie, la mort, l'éternité, l'Homme et le destin, tout autant qu'une mise en abyme de l'art narratif, et de la création artistique.


Fort de son iconographie monumentale, Alex Alice crée donc une mythologie qui, bien que reprise des célèbres contes germaniques, s'en émancipe rapidement pour nous en proposer une nouvelle version, avec sa propre identité, ses propres personnages, ses propres questionnements et sa propre narration. Chaque choix visuel et narratif ouvre une multitude de portes au spectateur, qui ne sait plus laquelle choisir tant il sait que chacune va le mener vers des interprétations d'une richesse incommensurable. A ce titre, l'évolution des différents personnages est parfaitement réfléchie, et nous ramène aux grandes de la tragédie, antique ou moderne, tant Alice illustre à merveille les dilemmes qui animent chacun d'entre eux, au travers de dialogues somptueux, d'Odin lui-même au petit Mime, dont le traitement dans le tome final confine au sublime.
A cette image, la manière donc chaque personnage est introduit, dont chaque retournement est amené, dont chaque dilemme est illustré est unique en son genre et bel et bien propre au génie alicien, dont on n'a pas fini d'entendre parler, soyons-en sûrs.


Bref, si on écoute ça avec la musique de Wagner en fond, on ne peut qu'être envoûté par ce qui se révèle un monument incontournable de la bande dessinée française. Un chef-d'oeuvre instantané qu'on veut lire et relire, parce qu'on sait que l'éternité ne suffirait pas à nous en lasser...




  • Dragon... Entends-tu le murmure du vent ? Un héros approche !

  • Un enfant... J'ai faim de lui !


Tonto
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le 7 juin 2019

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Tonto

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