Tardi revient à sa marotte, cette fois en compagnie de sa femme chanteuse, pour nous asséner le coup de grâce, semble-t-il. Il se pourrait qu’il ait fait le tour de la question, mais ce réquisitoire définitif sur la grosse boucherie monstrueuse de 14-18, qui a fauché tant de braves gens et engraissé tant de fumiers, ne me semble toujours pas superflu, en dépit de certaines critiques lues ça et là. Certes, il n’apporte pas grand-chose de neuf aux deux opus précédents : les errances d’un brancardier désenchanté dans les charniers boueux, entre les cadavres humains et animaux, les carcasses mécaniques, les rats replets et les tranchées dégueulasses, ne sont que prétexte à dénoncer l’absurdité gigantesque de ce carnage gratuit, à énumérer des statistiques affolantes de non-sens et à désigner encore et toujours les mêmes responsables. Ceci dit, faut-il cesser de dire et redire la bêtise collective, l’obéissance servile, la haine stérile, le lucre éhonté, l’entêtement déraisonnable, la monstruosité de notre espèce folle sous prétexte que cette illustration magistrale qu’a été la « grande guerre » remonte à un siècle ? Les choses ont-elles tant changé qu’on puisse se dispenser de pointer du doigt le cynisme écœurant des uns et la bêtise crasse des autres ? Les hommes ont-ils ensuite renoncé à marcher au pas et à assassiner sur commande ? Bon, donc, aussi bien, Tardi pourrait reprendre la plume pour un 4ème réquisitoire hargneux, le temps qu’on assimile un peu…