Après le choc qu’avait constitué la lecture des deux premiers volumes du "Dernier Atlas", qui narrait l’épopée du George Sand, robot géant réhabilité dans un monde uchronique (dans lequel François Fillon est président !) pour aller comprendre une mystérieuse créature extraterrestre apparue dans le désert algérien, on était en droit de craindre un troisième tome qui ne soit pas à la hauteur de nos attentes. Disons-le d’entrée, pas de grosse déception à la fin de ce troisième tome qui arrive à relever le défi de conclure de manière à peu près satisfaisante tous les fils narratifs – et ils étaient nombreux, et bien emmêlés – des deux tomes précédents… même si, à l’impossible nul n’étant tenu – certains pourront chicaner sur certains des choix scénaristiques de Vehlmann et De Bonneval


Visuellement, on a déjà souligné la formidable lisibilité du dessin de Tanquerelle, garantissant une remarquable fluidité de lecture, alors qu’il était chargé d’illustrer un récit choral complexe, et des situations dramatiques balayant un large spectre, allant de la SF apocalyptique, à grand spectacle, qu’on a plus l’habitude trouver au Japon ou aux USA, aux conflits intimes entre amoureux ou parents, en passant par le thriller politique, enraciné d’ailleurs – en dépit de l’excuse de l’uchronie – dans la réalité sociale et politicienne de la France (… et de l’Algérie). On regrettera forcément que dans ce dernier volume, le fait que l’action se situe dans la campagne française, et ce malgré un incendie spectaculaire, nous prive des paysages algériens des tomes précédents, bien plus propices à libérer notre imagination.


Mais le plus gros défi scénaristique de ce troisième tome est de construire un récit compréhensible et cohérent alors que tous ses (nombreux) personnages sont désormais dispersés : la narration fait donc le choix du morcellement, sautant brutalement, presque à chaque deux pages, d’un groupe de protagonistes à un autre, réussissant à mener de front plusieurs histoires et à les faire converger et / ou se compléter, mais sans éviter complètement la frustration du lecteur, qui aurait très souvent préféré que se poursuive l’histoire dans laquelle il était engagé. Une construction en chapitres plus longs, en incluant des repères temporels pour que le lecteur comprenne les effets de simultanéité ou d’enchaînement des situations aurait peut-être réduit cette frustration… Il faut néanmoins avouer que c’est là un problème de narration qui se pose toujours dans le cas de récits complexes avec une multitude de personnages, en particulier au cinéma ou encore plus dans les séries TV, et que ce serait être de mauvaise foi que de trop reprocher au "Dernier Atlas" ce choix narratif…


Le côté SF du "Dernier Atlas" – la nature et l’origine de l’UMO, la finalité de son apparition sur Terre, ses interactions avec les personnages du récit – est traité de manière convaincante, même si l’on pourra toujours dire qu’on aurait aimé que plus de pages lui soient consacrées, et que la décision de déléguer ces explications complexes à une narratrice lors d’un interview télévisé relève d’une certaine facilité. Néanmoins, sans cet artifice, les 250 pages de ce troisième tome auraient pu facilement en devenir 300 !


S’il y a finalement une seule réserve sérieuse que l’on puisse faire à la conclusion de cette histoire d’une folle ambition, c’est au niveau du destin de Tayeb que l’on quitte au sommet du pouvoir dans la pègre marseillaise : ça a l’avantage de ne pas être une fin moralisatrice, certes, mais c’est indiscutablement gênant… et ça appelle quasiment obligatoirement une suite, les derniers mots de la dernière page étant : « On va pas les faire attendre plus longtemps, alors… Il nous reste encore beaucoup de travail… ».


En tous cas, en l’état, nous avons bien affaire avec "le Dernier Atlas" à une nouvelle œuvre majeure de la BD française. Le genre de livre qu’on conservera ad vitam aeternam dans notre bibliothèque, qu’on fera lire à tous nos amis, et qui a finalement peu de rivaux en termes d’ambition et de réussite. Ça s’appelle donc un livre indispensable.


[Critique écrite en 2021]

EricDebarnot
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le 15 oct. 2021

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Eric BBYoda

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