Ce livre feuilleté rapidement à la médiathèque promettait une lecture fascinante. Les illustrations sont grandioses. L'auteur mélange habilement les techniques de peinture au couteau et au pinceau, les pastels gras, et sûrement d'autres médiums qui m'échappent… Les corps en mouvement, les visages cruels ou dignes des personnages, les paysages de la région des Grands lacs canadiens au 18e siècle… tout est rendu avec maîtrise et grandeur.
Le choix des couleurs est également intéressant : les tons sombres, rouges ou verts donnent vie à l'horreur des affrontements et aux contrées sauvages à parcourir.
Toutefois, je vois plus cela comme un hommage qui accompagnerait l'histoire déjà connue qu'une œuvre indépendante.
Malheureusement, je n'ai pas lu le roman récemment et j'ai eu beaucoup de mal à identifier les personnages, que ce soit par leur nom (car ils en portent beaucoup trop chacun…) ou à reconnaître lequel d'entre eux est illustré sur une planche. Car si les personnages sont peints admirablement, ils sont difficilement identifiables.
Voici un exemple illustrant bien la frustration que j'ai ressentie tout au long de ma lecture (au chapitre 2) :
Nathanaël … son vrai nom est Natty Bumpo. Les Hurons l'appellent Longue-Carabine, d'autres Bas-de-Cuir ou Chasseur de daims.
S'ensuit une planche où on le voit, la carabine à l'épaule. Au-dessus de lui, un dialogue qui ne lui est pas rattaché :
Attends, Œil-de-Faucon!
S'appelle-t-il aussi Œil-de-Faucon? Ou est-ce Longue-Carabine qui s'adresse à un autre personnage ?
À la planche suivante, un autre dialogue sans maître est affiché sur un paysage :
Tu as envie de combattre les Maquas?
Encore une fois, qui parle ? On sait à ce moment-là qu'un autre personnage se nomme Magua. Est-ce que cela a un lien avec la tribu des Maquas ? Le lien n'est pas établit.
Autre source ce confusion : les noms des nations amérindiennes (Hurons, Maquas, Mohicans, Iroquois, Mohawks, Ottawa...) et leur prise de position dans le conflit entre Canadiens-Anglais et Français. Heureusement, quelques répétitions viennent éclairer la lanterne des gens qui, comme moi, auraient oublié des pans de l'histoire canadienne...
Les planches sont parfois muettes, parfois accompagnées d'un pâté de texte indigeste ou entrecoupées de citations inutiles. L'auteur n'a pas su trouver le juste milieu entre la narration nécessaire et celle, superflue, qui aurait dû être coupée. Les dialogues ne sont pas vraiment mémorables non plus. Seules certaines images très fortes resteront gravées dans ma mémoire (ce qui est déjà bien !).
J'ai aussi décroché lorsque j'ai eu l'impression qu'on faisait parler les Amérindiens comme des Européens – notamment lorsque les guerriers reprochent aux Anglais d'être les chiens des femmes Anglaises. Était-ce ainsi dans le roman ? Est-ce que l'auteur sait que bon nombre de nations amérindiennes sont matriarcales et que le machisme européen (et ses lieux communs) n'a pas sa place dans un dialogue autochtone ?
J'irais bien voir une exposition de tableaux de l'auteur, mais je ne pense pas lire de sitôt un autre de ses romans graphiques.