Quatre ans après l'enfer des épouvantails sort la suite de cet album et en même temps l'ultime épisode des aventures de Philémon. Fred se permet de finir la série sur le A, c'est à dire là où tout a commencé. Enfin... on est sur le A mais en même temps on se retrouve plus particulièrement dans une peinture située sur le A. Sorte de mise en abîme pas toujours convaincante si les failles spatio temporelles posent un problème de logique pour vous comme pour moi. Disons que ce qui m'a perturbé c'est la déclaration du peintre comme quoi le changement de personnage dans le tableau a lieu chaque jour. Alors qu'en est il de l'aventure de Philémon qui elle n'a lieu qu'une fois? Voilà ce qui me gêne.

Ensuite, le scénario n'est pas extra. Une aventure qui fait beaucoup de surplace et qui aurait pu se dérouler n'importe où ... ce qui fait des lettres un simple détail... Un détail? mais enfin? c'était l'attrait de la série, découvrir chaque île l'une après l'autre et en même temps y découvrir de singuliers personnages. Fred ne s'était jamais montré si pauvre en créativité: de tout l'album il n'y aura qu'un peintre, un roi et un diable... et de longs dialogues qui n'en finissent pas laissant ainsi place à la redondance syntaxique, alors que jusque là l'auteur s'était toujours montré plus concis dans sa prose.

L'on retiendra tout de même quelques éléments forts de l'histoire tel que la séquence où la couleur envahit toutes les cases ou encore le détournement de la joconde qui ne serait qu'une esquisse pour dessiner Barthélémy. L'album ne manque donc pas d'humour ni de quelques bonnes idées. Mais je ne retrouve plus tellement le monde des lettres. Pour moi, Fred est passé à autre chose, et la série ne l'inspire plus. D'ailleurs, une fois encore, l'auteur donne plus d'importance à un personnage secondaire qu'à Philémon: ici il s'agit du diable qui range Phil' du côté du spectateur. Bon il a toujours été un peu le spectateur, mais en général il agit tout de même un minimum ce qui n'est pas le cas ici.

J'ai aussi eu une curieuse de sensation en lisant l'album. Peut être est ce exagéré de ma part mais.. j'ai cru ressentir une influence du manga qui commençait à être diffusé en France à l'époque. Ce n'est peut être qu'une coincidence mais certains gags, certains cadrages rappellent l'esprit nippon ni mauvais. Cela m'a déçu. Non pas que je sois anti manga, mais je trouvais l'incursion de cet univers malvenu.

On retrouve tout de même quelques artifices typiques de l'auteur tel que la décomposition du dessin en cases, ou des dessins qui passent par dessus les caniveaux des vignettes... néanmoins l'expérimentation reste assez pauvre (à part ce fameux moment où la couleur envahit les cases). Le dessin reste heureusement à couper le souffle... surtout lorsque l'auteur représente par de fins traits les nuages, le vent, les ombrages, la matière , le rocher... Fred reste un as du dessin, mais semble donc arriver à bout de souffle en terme d'idées. Peut être aurait il dû confier la série à un scénariste. En tous cas c'est une bonne chose qu'il ait arrêté la série plutôt que de la saccager davantage. Les One Shot qu'il a fait par après s'avèrent très bons, il n'y a donc pas de regret.

Bref, Fred a su émerveiller son public pendant près de 20ans; son imaginaire empreint de surréalisme a su toucher le peuple le plus simplement possible. Fred est tel un magicien qui a su réveiller l'enfant qui sommeille en nous. Il est bien sûr regrettable que la série s'arrête là et que jamais Barthélémy ne retrouvera vendredi ni son A... mais en même temps il vaut mieux que les personnage vivent d'incroyables aventures dans l'imagination des lecteurs plutôt que de devoir laisser ce dernier lire des histoires baclées auxquelles l'auteur lui même ne semble plus croire. La magie est toujours là, dans ce dernier album, bien sûr, mais c'est un peu comme une bougie en fin de vie; la lueur est faible et fragile. Philémon reste une excellente série à (re)découvrir, riche dans plein de domaines. C'est un peu triste, que je finis cette série culte. Au revoir Philémon, Félicien, Barthélémy et Hector l'incrédule. Au revoir.
Fatpooper
5
Écrit par

Créée

le 15 févr. 2012

Critique lue 366 fois

1 j'aime

Fatpooper

Écrit par

Critique lue 366 fois

1

Du même critique

Les 8 Salopards
Fatpooper
5

Django in White Hell

Quand je me lance dans un film de plus de 2h20 sans compter le générique de fin, je crains de subir le syndrome de Stockholm cinématographique. En effet, lorsqu'un réalisateur retient en otage son...

le 3 janv. 2016

122 j'aime

35

Strip-Tease
Fatpooper
10

Parfois je ris, mais j'ai envie de pleurer

Quand j'étais gosse, je me souviens que je tombais souvent sur l'émission. Enfin au moins une fois par semaine. Sauf que j'étais p'tit et je m'imaginais une série de docu chiants et misérabilistes...

le 22 févr. 2014

121 j'aime

45

Taxi Driver
Fatpooper
5

Critique de Taxi Driver par Fatpooper

La première fois que j'ai vu ce film, j'avais 17ans et je n'avais pas accroché. C'était trop lent et surtout j'étais déçu que le mowhak de Travis n'apparaisse que 10 mn avant la fin. J'avoue...

le 16 janv. 2011

108 j'aime

55