Plusieurs histoires courtes composent cette BD : le buffle qui pousse une île de toute ses forces pour éviter la collision avec la comète, le bernard-l’hermite qui se cherche une coquille au point d’en oublier de vivre, l’éléphanteau qui écoute son grand-père lui transmettre l’histoire du monde…
Au travers de petites fables qui peuvent paraître anodines, Jérémie Moreau distille des pensées philosophiques sur les tenants et aboutissants de l’existence. Tendres, touchantes et justes, ces nouvelles rappellent les fables de La Fontaine avec cette approche moderne qui caractérise l’œuvre de Jérémie Moreau. Dans ces ouvrages précédents, l’auteur a excellé dans l’art de nous donner à penser à l’avenir en invoquant le passé : ici il met en perspective les comportements humains à travers le prisme de l’animal.
Transcendant l’ensemble, le dessin sublime de Jérémie Moreau est à nouveau tout à fait extraordinaire. Les animaux sont d’une expressivité remarquable et quelles couleurs ! D’une douceur chatoyante elles affermissent le propos en lui créant l’enveloppe et l’odeur du conte d’enfance. Les dialogues savoureux délivrent le tonus nécessaire aux nouvelles et le tout converge vers une fin en apothéose grâce aux mots de la panthère : « Le jour où l’on sortira les corps de la chaîne du vivant, où l’on bâtira des palais aux morts glorieux, où l’on vengera les morts auxquels on s’identifie, où l’on cachera les morts gênants… le monde sera perdu ».