Cet entretien aurait dû paraître dans le numéro 13 des Cahiers de la BD, en complément d'un entretien avec Jérémie Moreau. Pour qu'il ne reste pas lettre morte, je le publie ici.
Nouvel éditeur de l’œuvre de Jérémie Moreau, Simon Liberman fête avec Olivier Bron les dix ans d’existence des éditions 2024. Pour l’occasion, il s’est entretenu avec nous sur la démarche éditoriale scrupuleuse qui a accompagné la création de l’album Le discours de la panthère.
Comment s’est déroulée votre collaboration avec Jérémie Moreau ?
Avec Olivier Bron, nous suivions le travail de Jérémie Moreau depuis longtemps. Il fait partie de ces auteurs dont l’œuvre a un vrai fond. Malgré le certain académisme de ses albums chez Delcourt, on y trouve aussi des recherches esthétiques. Jérémie a accepté notre proposition car il ressentait le besoin de se renouveler. Un projet s’oriente aussi en fonction de l’éditeur qui le publie. Certaines règles du jeu tacites peuvent stimuler le dessinateur ou le contraindre. Avec ces contes animaliers, Jérémie savait très bien où il voulait aller. Nous l’avons tout de même conseillé sur plusieurs points du scénario. Par exemple, nous avons réfléchi ensemble sur le vocabulaire utilisé par la panthère durant son discours qui conclue le récit, afin d’éviter certaines tournures moralisatrices et des connotations bibliques superflues. Il s’agissait de ne pas reproduire des comportements humains avec des personnages d’animaux.
Quelle fut votre démarche éditoriale pour la mise en couleur ?
Jérémie s’est inspiré de l’effet poudreux de la rhizographie pour mettre en couleur l’album sur Photoshop. Nous avons choisi l’impression UV, en prenant des encres que le papier ne boit pas, et qui sèchent à sa surface. Le rendu est plus éclatant qu’avec des techniques plus traditionnelles. Pour autant, nous en sommes restés à une quadrichromie standard. Nous avons toutefois ajouté plusieurs tons sur la couverture pour obtenir le dégradé de vert. Nous collaborons toujours avec l’imprimeur pour le meilleur rendu possible. Pour peu qu’on mette un peu trop de jaune ou de magenta, cela peut laisser croire que la lumière est matinale alors que l’action se passe le soir sur certaines scènes. Il s’agit donc de régler finement les couleurs sur chaque planche, en accentuant parfois certaines d’entre elles.
L’album propose un grand format (25x34cm). Comment l’avez-vous conçu ?
Nous avons tout de suite choisi un grand format en fonction des envies de Jérémie, et pour un meilleur confort de lecture. Il nous arrive par ailleurs d’éditer des formats encore plus grands comme L’année de la comète de Clément Vuillier, mais cela rend le livre plus coûteux. La typographie a été quant à elle retravaillée par un typographe à partir de l’écriture de l’auteur. C’est enthousiasmant de constater à quel point Jérémie a pu tirer profit de ces choix éditoriaux, pour un résultat de grande ampleur. Il a pleinement atteint un langage de bande dessinée, avec des compositions de double-planches élaborées qui donnent plaisir à parcourir les pages.