Billy est un enfant myope, il voit mal sans ses lunettes. Petit garçon aventurier et très taquin avec sa petite sœur, sa vision floue devient une « trouble vue » et lui fait vivre des aventures extraordinaires, en plus du fait que jouer aux fléchettes sur les oiseaux est un vrai bonheur, peut-être mieux que de voir se noyer les fourmis dans de la bave chocolatée.
Mais tout commence vraiment à la mort de son chat Tarzan. Là, en prise avec la réalité, Billy va chercher dans ses références de quoi l’aider à comprendre. Le Père Noel, ce multi-centenaire, doit en savoir sur le sujet. Au fil des pages, le réel devient une illusion et nous suivons Billy dans un univers parallèle.
Il cherche dans les malles du grenier de quoi lui donner des pistes : un Magazine du bizarre est ainsi lu, puis une Cryptologie est créée de toutes pièces par Billy (en référence aux schémas de découpe de sciences naturelles et avec une volonté de tout reprendre, comportement, légende de morphologie, astuces pour ne plus être la cible de tourment). A chaque nouveau personnage, un poème en prose ou vers ou une étude détaillée et puis le fil du récit continue sur quelques mois. Le réel n’a pas d’intérêt pour Billy, seuls les personnages de la nuit, des cauchemars et des moments clefs du réel sont présents. Le garçonnet trouve les adultes bien décevants aussi, oublieux de l’enfant qu’ils étaient et du monde si étrange et fabuleux du fictif.
Que dire de ce fourmillement de notes, de références, de bonnes idées, d’allusions ou de métaphores. Des coups de cœurs à toutes les pages donnant envie de se référer au sommaire (qui nous joue un tour aussi… regardez les numéros de page... bon c'est vrai c'est tout petit: 13!).
Des croquis et des tableaux gothiques, des poèmes que l’on peut lire aux enfants plus jeunes. J’aime particulièrement « La princesse et la flaque d’eau », poème sur l’hiver, la morte saison, la nature moins enchanteresse, et pourtant. Je me retrouve aussi dans l’extrait de « La nuit » de Maupassant. J’aime particulièrement les inventions de Billy : les serpents devenus vermicolles aux dents bien acérées, d’autres (potentiellement des futures mante-religieuses) que l’on ingère et qui donnent les gargouillis que l’on entend dans le ventre de son père quand lors de câlin nous avons l'oreille dessus. J’aime les personnages où l’influence de Tim Burton est flagrante mais pas que lui d’ailleurs (la petite fille aux couteaux rappelle le môme aux clous dans les yeux).
Et puis ces reprises de vieilles coutumes ou superstitions : le croquemitaine, les vampires (dont une si douce, si gentille, se mordra jusqu’à la mort pour ne pas détruire une autre vie), la communication avec les esprits grâce à l’ouja, les auras etc…
Et puis ses conceptions de la reproduction humaine, la naissance et plus encore les graines de petites sœurs et un coupe-coupe-couette offert (parce que les bordereaux de commande et les anciennes publicités ne sont pas en reste). Parce qu’encore plus qu’une histoire honorant le fictif des cauchemars et des peurs enfantines, ce livre assez inclassable est une ode à la fraternité. Billy ne se gène pas pour embêter sa petite sœur, lui en faire voir de toutes les couleurs, la malmener et pourtant c’est de l’amour qu’il y a là.
Un vrai bonheur de lecture, de relecture. Et même si le graphisme, efficace, magnifique et sombre, et certaines histoires peuvent choquer, je vous recommande les poèmes et les cryptologies prises seules.