Le Dormeur
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Le Dormeur

Roman graphique de Rodolfo Santullo et Carlos Aón (2022)

Quelque part sur Terre, dans un futur proche. Pour échapper à l’apocalypse, les humains les plus fortunés ont émigré sur la planète Io. Un homme se réveille dans le sous-sol obscur d’un immeuble, après un long sommeil dans son caisson cryogénique. On lui avait promis Ies étoiles, mais le voyage n’a pas eu lieu pour le « dormeur », visiblement floué par des escrocs. A ses côtés, un cadavre, un couteau planté dans le dos. Dans un premier temps, il se verra accuser par les habitants de l’immeuble qui tentent de survivre cloitrés à l’abri des Madmax, une communauté cannibale, au beau milieu d’un monde de désolation. Devant l’absence évidente de motifs et finalement convaincus par son innocence, ils le sommeront ensuite de mener l’enquête pour démasquer le coupable, qui à l’évidence ne peut que se cacher parmi eux. C’est alors une réalité effrayante que l’homme va peu à peu mettre au jour.


C’est une belle découverte que nous proposent les Editions iLatina, démontrant par là même la qualité de la bande dessinée sud-américaine. Le Festival d’Angoulême ne s’y est pas trompé en intégrant cette année « Le Dormeur » à la sélection officielle, dans la catégorie « polar ». Avec à son actif plusieurs ouvrages publiés depuis une petite dizaine d’années, notamment chez Glénat et les Humanoïdes associés, le scénariste Rodolfo Santullo signe ici une œuvre à mi-chemin entre l’enquête policière et le récit d’anticipation. « Le Dormeur », c’est un peu la rencontre de « Dix Petits Nègres » et de « Walking Dead », ou peut-être plutôt « La Route » de Cormac McCarthy, les cannibales ayant ici remplacé les zombies.


Mais l’ambiance de ce huis-clos post-apo, singulièrement oppressante, rappelle par bien des aspects la célèbre série de Charlie Adlard et Robert Kirkman. Seul le personnage principal, le fameux « dormeur » en question, apporte un peu de légèreté par son côté anti-héros, sa dégaine mal assurée et son costume incongru. Comme dans tout bon roman policier, les protagonistes sont bien campés et apparaissent tous potentiellement coupables du meurtre de Luis jusqu’au dénouement, difficile à deviner. L’intrigue nous captive dès les premières pages et la narration est de très bonne tenue.


Le dessin semi-réaliste de Carlos Aón est en phase avec le propos, rappelant un peu le Gipi de « La Terre des fils », autre récit post-apocalyptique, en moins esquissé. Le tout est parfaitement exécuté, la mise en page et le cadrage participant à la fluidité du récit. De même, la palette de couleurs est d’équerre dans ses sombres tonalités gris-beige visant à renforcer le contexte oppressant, virant au rouge quand la violence est palpable.


« Le Dormeur » nous offre un bon moment de lecture, grâce à une collaboration efficace et concluante entre les deux auteurs. Le seul regret résiderait peut-être dans le format finalement assez court pour un univers qui aurait mérité d’être creusé, même si celui-ci ne sert que de toile de fond à cette enquête policière, qui, elle, est plutôt réussie.


LaurentProudhon
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le 30 août 2023

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