Critique de Le Goût des fraises, tome 1 par Sunread26
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le 2 mars 2024
Au hasard des tablettes du département de mangas et BDs, j'ai trouvé ce Shojo et comme j'aime beaucoup les tranches-de-vie, je me suis dis qu'un récit sur le thème de la production de fraises, pas le sujet le plus courant, et qui propose de traiter de l'écart d'âge dans les relations amoureuses, ça pourrait être intéressant. Non seulement s'est-il trouvé être amusant et tendre, je suis également très heureuse du traitement de cette histoire, qui respect le consentement, dénonce même certains axes harcelants et propose un couple très moderne, sans tout ce clivage de genre et ses infâmes stéréotypes que j'ai malheureusement pu voir dans d'autres comédies romantiques.
Ce n'est pas parce qu'elle est petite et mignonne que Sara et ses jeunes 20 ans ne savent pas se montrer vaillants et décidés. Quand son grand-père se blesse, Sara décide de venir donner un coup de main dans sa production de fraises, malgré qu'elle ne sait pas grand chose sur le sujet, au début. Qu'à cela ne tienne, un homme travaillant dans une autre production a aussi décidé de venir prêter main forte et les fraises, c'est sa grande passion. L'amateur de lait aux fraises, Minori Sugiura, est aussi haut et costaud que Sara est menue et petite et ils ont près de 13 ans d'écart en âge. Pourtant, de part d'autre commencent à fleurir des sentiments tendres, encouragés par leur complicité et leurs intérêts communs. Minori est un grand sensible vraiment timide, alors que Sara montre une bonne tête sur les épaules et sait ce qu'elle veut, et ils se plaisent assez rapidement. Mais la question de leur âge semble être un réel enjeu. Tout en apprenant à faire les tâches dans la fraisière, Sara découvre également que Minori est fort différent de la première impression qu'on a de lui.
Le premier tome traite surtout de l’intérêt de part et d'autre des personnages, qui n'envisagent pas que leur attirance soit réciproque. Ça m'a quand même beaucoup amusé et plu que ce soit davantage Sara qui cherche a envoyer des messages à Minori, montrant que la plus entreprenante des deux, pour une fois, c'est la fille.
Je retrouve dans ce manga beaucoup des imbroglios typique des comédies romantiques, mais ce qui se dégage de rafraichissant dans cette histoire est le traitement des personnages et leur rapport très paritaire. Sur le plan physique, on reste dans le très convenu: Le grand homme viril et musclé, haut comme une montagne et difficile à décoder vu son manque d'expression facial. De l'autre côté, Sara, la petite demoiselle si mignonne avec ses grands yeux de biche et ses goûts encore très enfantins. J'ai néanmoins apprécié le côté "gros nounours" de Minori, sensible dans l'âme, amateur de sucreries, un gars simple et travaillant très loin de la brute virile, macho et paternaliste dont j'ai horreur. De même, Sara n'est pas la petite chose fragile un peu débile dont j'ai aussi horreur. C'est même elle qui se montre la plus sure d'elle face à ses sentiments, et tend plus des perches plus souvent à Minori. C’est clairement lui le plus gêné des deux.
Sur le traitement, j'apprécie beaucoup le fait que Minori se soucis réellement de ses comportements et qu'il souhaite être respectueux de Sara. C'est à cela qu'on reconnait les hommes civilisés, au contraire de ces abrutis qui s'imposent et estiment que les filles ne savent pas ce qu'elles veulent. Ce devrait être les hommes comme Minori qui constituent la norme. En shojo, ce ne l'est vraiment pas souvent. Il faut dire qu'il y a l'aspect de son âge qui lui pèse aussi. Il a peur que ses gestes soient mal interprétés, mais il a aussi la crainte de passer pour le pervers qui veut avoir une jeune fille. Mais pervers, il ne l'est pas. Je le trouve même prévenant.
Au contraire, le personnage blond dont j'ai déjà oublié le nom, est un camarade d'école de Sara et lui, clairement, il ne sait pas décoder les filles. Il donne surtout l'impression d'être collant et imposant, cherchant toujours à se coller à Sara, à mettre ses mains et ses bras sur elle alors qu'elle lui a clairement verbaliser de ne pas le faire. Avec ce personnage, on a de beaux exemples de comportements inadéquats et irrespectueux, mais ça me fait plaisir de constater que Sara est capable de se défendre toute seule, en refusant de céder à ses demandes.
Je me posais la question sur la perception des japonais face aux écarts d'âges. Concrètement, Sara est majeure tout comme Minori, il n'y a donc rien d'illégal dans le fait de sortir ensemble, mais clairement, il y a un enjeu. Presque tous les personnages réagissent à un moment ou un autre face à cet écart et Minori est particulièrement soucieux de cette différence. C'est drôle, car d'ordinaire, dans le monde occidental, ça n'a rien de très mal vu, parce que des hommes ayant de gros écarts d'âges avec leur conjointe, c'était très courant. Combien de fois ai-je lu sur des trentenaires courtiser des jeunes filles pas ou à peine majeure? C'est l'inverse qui est souvent mal vu, des femmes plus âgées que leur conjoint, du moins est-ce cette perception que j'ai vu autant dans la fiction que dans la réalité. Ici, 13 ans semble énorme comme différence, mais ce qui rend le couple réellement mal assortie c'est leur physique très opposé. À côté de Sara, Minori a l'air immense et très mur, parce que Sara a l'air délicate et juvénile. Bref, au fond, ça me semble beaucoup plus grave que ça en a l'air, et il me semble qu'au final, du moment où il y a consentement et de saines bases, qu'est-ce que l'âge a de si crucial finalement? Peut-être la question du parcours de vie, car Sara est encore aux études alors que Minori semble bien enraciné dans son métier, mais ça reste une dimension parmi plusieurs.
Graphiquement, c'est très agréable à l’œil, mais je trouve que les yeux des filles jeunes comme Sara sont vraiment disproportionnés, surtout à côté des autres personnages masculins. Et sauf la fraisière, les décors sont peu développés, très centralisés sur les personnages.
On a bien sur le monde des fraises comme décor, avec la façon de les cueillir, les soins à leur apporter et leur cotes. Minori semble adorer les fraises, il en a d'ailleurs de nombreux dérivés parmi ses plats préférés et ses objets du quotidien. Un vrai gros nounours, quoi. Il faudra cependant qu'on m'explique un jour en quoi les gâteaux et les sucreries sont " des affaires de filles" , je ne comprend pas du tout pourquoi c'est une perception récurrente au Japon, en témoigne le manga "Old faschion cupcake, qui en fait un sujet central. C'est juste de la bouffe, bon sang!
Bref, un beau manga romantique, qui nous rappelle de faire gaffe à nos jugements hâtifs, et qui semble articuler une relation amoureuse saine dans un cadre plutôt rare que celui de l'agroalimentaire. Je mentionne également que dans le récit, il y a des inter-histoires, appelés "Mini-Fraises", et qui sont des anecdotes entre les chapitres, parfois en grappes de 3 à 4 anecdotes.
Pour un lectorat adolescent, 12-15 ans+
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le 18 juin 2024
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