Vivès est un jeune auteur intéressant. Malheureusement, s'il aime bien les gros seins, je ne suis pas sûr qu'il porte les gros dans son corps vu que les gêneurs de son histoire sont souvent des gros (le gros qui se branle, la grosse qui fait son nez au bord de l'eau). M'enfin je sais pardonner.
Le dessin est super intéressant. J'aime bien sa manière d'aller à l'essentiel, de rendre compte du mouvement, du langage corporel par de simples traits. Je me demande s'il utilise beaucoup de photos pour s'aider. J'aime bien aussi le mélange de techniques dans cet album, à savoir les masses de couleurs pour représenter ce qui est sous l'eau en contraste avec le trait fin de la surface (avec toujours une mise en couleurs sobrement efficace). Je me demande comment il s'y est pris pour ce qui est du dessin aquatique : a-t-il mis des traits partout qu'il a ensuite par ordinateur ou bien a -t-il à chaque fois laissé l'espace adéquat et qu'il a ensuite travaillé sur son ordinateur ? En tous cas le résultat est plaisant.
Et même son découpage fonctionne assez bien : les séquences de nage, d'inquiétude, d’errements paraissent justes. Les expressions faciales ne sont aussi bien maîtrisées que dans "Amitié étroite" sorti un an plus tard : les personnages grimacent de manière réaliste, mais ça vient un peu trop soudainement, comme si le travail sur l'expression ne s'était fait que sur certaines cases, le reste étant fait de tête. Alors que dans "Amitié étroite" on ressent le réalisme tout au long de l'album. Le lieu est assez chouette aussi. Dommage qu'il ne soit pas mieux exploité au travers de la narration car il y avait de quoi faire de chouettes choses.
La narration est extrêmement minimaliste. J'aime bien le minimalisme. Mais il faut quand même raconter quelque chose. Et à nouveau, Vivès ne raconte pas grand chose. Ceci dit, la structure simple fonctionne mieux que la double de "Etroite amitié". Seulement ça ne va pas très loin, cette amitié s'arrête sans explication, comme dans la vie... sauf que cet album est tout sauf la vie, il suffit de voir avec quelle facilité cette amitié prendra une fois la glace brisée ou de voir le découpage très cinématographique. Ce manque d'enjeux et de fin nuit donc fortement à la narration. Il y a tout de même un objectif principal amené à la fin, un p'tit truc qui permet de faire croire en une fin. Mais c'est un sacré tour de passe-passe : on nous fait croire que tout d'un coup le héros gagne quelque chose dans cette histoire. Mais ce quelque chose n'a en fait rien à voir, même s'il est préparé au travers d'un dialogue très maladroit plus tôt ('j'ai jamais rien gagné moi' => pauvre petit chou).
Vivès brouille un peu le récit avec des fausses pistes : le gars qui se branle dans la douche, ce n'était finalement qu'un prétexte à rapprocher les deux tourtereaux, mais ça aurait pu être exploité encore plus que ça : en l'état ça paraît donc un peu trop facile. Il y a aussi la présence du copain qui a la même fonction, qui aurait pu/dû être réutilisé mais que l'auteur délaisse complètement. Si l'on peut sentir une caractérisation chez le personnage principal, l'héroïne est quant à elle assez vide, une sorte de faire-valoir sans saveur. L'évolution du héros ainsi que de leur relation est un peu trop rapide à mon goût aussi.
Et à cause de cette narration qui prend à la trop de place (trop d'éléments pour l'ignorer comme dans un récit purement visuel) et pas assez (ça manque d'éléments pour avoir une vraie histoire), certaines séquences deviennent un peu chiantes à regarder. Le héros qui nage, ça a beau être joli en soi, ça devient un peu lourd d'avoir autant de plans qui ne racontent pas grand chose. Surtout qu'au lieu de montrer ça, l'auteur aurait pu approfondir cette amitié.
Bref, je reste mitigé face à l'oeuvre de Vivès. Y a toujours des bonnes choses, mais il y en a aussi toujours autant de mauvaises. Le garçon a surtout un talent graphique, il lui faudrait maintenant raconter une bonne histoire (ou une histoire tout court en fait).