À mon sens, l'intention de David Rubin avec sa version de la légende d'Héraclès n'est pas de dépoussiérer le mythe, ni tout à fait d'en faire une relecture , plutôt de s'amuser avec, laisser libre cours à sa création.
Quand on me lisait, enfant, des chapitres de la mythologie grecque, mon imagination voguait, je me laissais porter par l'histoire et mixait mes propres images.
C'est exactement ce que semble faire l'auteur ici ; utiliser l'histoire comme base pour la mettre en page telle qu'il la voit.
Le dessin, trait contemporain d'un dessinateur biberonné aux comics, est tout en courbes et en fibres entremêlées, évoquant souvent celui de Frederik Peeters, notamment dans Koma.
C'est typiquement le genre de BD où l'on ressent l'immense passion du créateur pour cet art. On y retrouve les codes du comics, du franco-belge et du manga, digérés et utilisés ensemble pour tirer le meilleur de chaque.
Bien que trop marquée informatique à mon goût, la colorisation est nette et reflète un univers unique, anachronique qui sait rester cohérent.
Rubin joue avec les ellipses et compacte le temps sur certains passages, l'étire sur d'autres, pour se concentrer sur les 12 travaux dont il est question.
Il retourne aux sources du héros de fiction, et explore la thématique en allant au fond des choses. Qu'est-ce qu'un héros, ou l'idée qu'on s'en fait ?
Sous ses aspects très cartoonesques, parfois délibérément enfantins, l'ouvrage cache certaines pages d'une violence sans borne qui surprend par sa crudité. En cela, le récit originel est respecté : ils ne rigolaient pas, les grecs, à l'époque.
Au début, j'hésitais entre détailler le dessin et la technique ou me laisser porter par la mise en page, l'action -je conseille ce second choix, car cette BD est faite pour être lue d'une traite pour profiter d'une mise en page ultra-créative et vivante. Malheureusement, si Rubin parvient parfois à amener le lecteur où il veut, celui-ci risquera fort de se perdre sur certaines pages qui, en cherchant trop à vivre, gênent la compréhension immédiate. C'est souvent le lot des BD aux mises en pages audacieuses ; mais ce défaut est compensé par le plaisir qu'on a justement à décrypter certains choix du dessinateur dans ses transitions.
Certains passages sont extrêmement délirants, d'autres vraiment sérieux, on y retrouve toute la saveur d'un mythe : la guerre, le sexe, les conflits entre dieux et les rêves de gloire des humains.
David Rubin a su offrir une version personnelle, très distrayante et créative de la légende. Il nous offre une histoire en 2 volumes, vieille comme le monde dans son fond et plus que moderne dans la forme. On se demande, après lecture, si ce qu'on a inventé dans le genre depuis la mythologie n'est pas qu'un éternel repompage de ce qui a été fait en en changeant seulement la tournure.
Vrai plaisir de bédéphile, Le Héros mêle avec habilité le plaisir du cartoon, la maturité de son sujet et la dimension épique du récit qu'il utilise.