Adapter un journal intime en roman graphique est un exercice casse-gueule..autant que le roman épistolaire. Parce que le dessin et la mise en page on quelque chose de cinématographique là où le journal intime ne témoigne que d'un point de vue, d'une pensée, d'un ensemble d'émotions exprimées. Et pourtant...et pourtant. Ari Folman et David Polonsky a qui l'on devait déjà le film Valse avec Bachir propose une adaptation qui a su mettre le texte original à son avantage.
Le journal d'Anne Frank a marqué les lecteurs d'abord parce qu'il s'agit d'un récit à la première personne qu'une jeune fille a écrit dans la clandestinité entre 1942 et 1944 avant d'être arrêtée et déportée à Auschwitz. Le livre a trouvé une place importante dans les récits et témoignages de cette période, au même titre que Primo Levi par exemple mais il ne touche pas que par son thème puisque la qualité d'écriture est indéniable. Il y a la clarté du propose, l'expression des émotions, la maturité et l'espoir qu'il y avait derrière des mots qu'elle ne laissait voir qu'à très peu de personnes. et qui sont aujourd'hui encore un véritable cadeau. Dans l'adaptation dessinée, le texte garde une place importante, dans la forme et dans le fond : il y a des extraits entiers, des dialogues, des discours...Anne Frank a véritablement la parole une seconde fois et le texte original n'est pas dénaturé.
Le dessin en fait un roman graphique accessible et touchant pour les pré-adolescents : oubliez les cases classiques, les portraits, les doubles pages, les détails font du livre un bel objet parce qu'en changeant de mise en page régulièrement, les longs textes paraissent moins effrayants...c'est très aéré et j'espère sincèrement que ce livre pourra servir d'outil pédagogique. La forme est adaptée au fond et c'est touchant...à savoir qu'une adaptation en dessin animé réalisée par le même binôme est prévue pour 2019. A l'heure où l'on a peur de perdre de vue cette partie de l'Histoire et de la culture, cette nouvelle lecture est rafraîchissante. Il faut parfois que des artistes se retroussent les manches pour qu'on n'en oublie pas d'autres...alors merci à eux.