Le Journal d'un remplaçant par Dimitri2401
Rares sont les bandes dessinées traitant de l'environnement scolaire, plus rares encore sont celles contant le quotidien d'un professeur des écoles, ses doutes, ses joies, ses faiblesses.
Le journal d'un remplaçant est une sorte de journal de bord graphique, une plongée dans la vie d'un de ces instituteurs d'un jour, d'une semaine ou parfois d'un mois que tous durant notre scolarité nous avons une fois côtoyé. Un témoignage sur l'éducation vu par un de ses acteurs, démystifiant bien des on-dit, mettant en exergue des facettes trop souvent oubliées ou occultées du métier d'enseignant.
Le plus beau métier du monde :
Martin est un jeune remplaçant. Chaque jour, l'attente du coup de téléphone qui scellera le sort de son lendemain se fait pesante. Puis vient l'appel, qui lui propose un poste dans un I.R :
- Euh, c’est quoi un I.R. ?
- Un institut de redressement pour élèves ultra-violents... Le titulaire a craqué.
Évidemment, Martin refuse. Qui voudrait d'un tel poste après tout ? Justement, personne, tant et si bien que Martin se voit désigné volontaire. Commence alors une année dans l'inconnu, parsemée de joie et éclaboussée de difficultés.
Plus qu'un métier, une vocation :
Martin découvre dans cet I.R. un monde au premier abord normal mais qui se révélera en fait bien différent et plus ardu que ce pour quoi un remplaçant est formé.
C'est en accompagnant Wesley, Fabien, Kévin, Yanis, Rémi et Jonas que Martin Vidberg livre un témoignage poignant et affligeant sur les errances du système éducatif, sur ses absurdités, sur son image et sur le délicat quotidien de professeur. Laisser tomber le scolaire, voilà le conseil qu'il se voit prodiguer. Déroutant pour lui, dont le rôle premier est de transmettre son savoir, d'encourager la progression, une progression aussi bien gratifiante pour l'élève que pour l'enseignant lui-même.
Mais que faire d'autre, sans formation adéquate, face à un groupe versatile, basculant du charme au cauchemar, constitué d'enfants meurtris : "la violence subie par ces enfants [est] bien plus insupportable que celle qu'ils manifestent en classe".
m...mou...mouton ? :
C'est avec une justesse et une sincérité sans faille que Martin Vidberg nous confie ses pensées et ses faits. Des patatoïdes noir et blanc des 125 pages de cette bande dessinée transpirent tendresse et émotion. Le lecteur découvre la face cachée de l'éducation, voit voler en éclat bien des certitudes sur le travail d'enseignant. On s'attache à ces enfants difficiles, d'une gentillesse indiscutable, et on adhère au désarroi d'un professeur qui voudrait les aider mais qui ne sait comment faire et que personne ne vient réellement épauler.
On sourit lors des instants de joie, on s'attriste des situations délicates, on se questionne sur les dérives du système éducatif, sur les dérives de certaines familles et sur l'impact de tout ceci sur le professeur. La simplicité visuelle de l'œuvre (qui n'en reste pas moins une véritable réussite graphique) rend le récit plus touchant encore, et il en devient à la fois bien trop long et bien trop court : la quatrième de couverture semble arriver trop rapidement, mais on souhaite à chaque page voir s'évaporer au plus vite tous ces travers de la société et de son éducation, sans lesquels le livre ne serait finalement pas.
Conclusion :
Peinture juste et intelligente du monde de l'éducation, Le journal d'un remplaçant est une véritable réussite. C'est avec une sensibilité certaine que Martin Vidberg transmet ses difficiles moments, ses doutes, parfois sa culpabilité, mais aussi ses moments de bonheur et son amour pour son métier. 125 pages émouvantes, qui font réfléchir, qui ébranlent nombre de clichés et qui, c'est certain, feront s'interroger ceux qui, comme moi, ont fait de l'éducation leur avenir.
Fiche technique :
Le journal d'un remplaçant
Scénario/Dessin : Martin Vidberg
125 pages noir et blanc
Année : 2007
Éditeur : Delcourt
Série : Shampooing
Pour lire (légalement) les premières pages de la bande dessinée, c'est ici : http://bluecity.free.fr/instit/