Mon père, rendu muet par la mort, m'a parlé.....
Chronique de la vie quotidienne d'une famille japonaise dans les années 60 et 70,"Le Journal de mon père" est une oeuvre sublime. Rarement un auteur n'aura réussi à me transmettre autant d'émotion à travers des pages dessinées (et pourtant, j'en ai lu un sacré paquet de BD). Qui peut se montrer insensible aux 2 - 3 derniers chapitres, au moment de l'enterrement?
C'est grâce à des auteurs de la trempe de Taniguchi que la bande dessinée justifie pleinement son statut de 9ème art (n'en déplaise aux malheureuses personnes qui pensent encore que la BD ne s'adresse qu'aux ados attardés, les pauvres, ils ne savent pas ce qu'ils ratent).
Je peux dire, sans prendre le risque de me tromper, que de nombreux lecteurs se sont sans doute retrouvés (à des degrés divers) dans les relations (ou leurs absences d'ailleurs) entre Yoichi et son père. Quel sujet plus universel que les relations parents - enfants? On ne veut pas se dire les choses en face, on a peur d'exprimer ses sentiments (par pudeur?) puis de toute façon on a bien le temps de s'occuper de tout ça, rien ne presse jusqu'au jour où..... il est trop tard!
Ce sujet est superbement traité, avec délicatesse et sensiblerie. C'est sûr que pour les adeptes de l'action, il va falloir repasser....Il ne se passe pas grand chose tout au long des 274 pages, mais grâce au soin apporté aux personnages, aux petites touches d'humour posée par ci par là (tout en finesse bien sûr) mais aussi de la dureté (notamment quand Daisuke un peu saoul dis ce qu'il pense à Yoichi), à la précision quasi documentaire de la vie à la ville, le tout dans un dessin on ne peut plus classique mais néanmoins efficace, on ne s'ennuie pas une seule seconde.
"Le journal de mon père" est également une magnifique déclaration d' amour de Taniguchi à sa ville natale de Tottori. Pour toutes ces raisons, ce roman graphique se doit de figurer dans toute BDthèque digne de ce nom, oui là, juste à côté de "Quartier Lointain".
ps: si vous avez aimé "Le Journal de mon Père", je vous conseille un film: "L'été de Kikujiro" de l'immense Takeshi Kitano.