Le Monde à tes pieds ce sont trois histoires qui se suivent avec pour fil conducteur les désillusions d’une génération sacrifiée dans l’Espagne contemporaine.
Le lecteur va d’abord découvrir Carlos qui dépérit comme vendeur dans un magasin de fringues. Il s’en sort financièrement grâce à son compagnon Diégo qui est kiné. Ingénieur diplômé il reçoit enfin une réponse positive pour un emploi à la hauteur de ses espérances. Sauf que celui-ci est en Estonie…
La seconde histoire, c’est celle de David un jeune chômeur obligé de vivre chez sa mère depuis 4 ans. Désœuvré il passe ses journées à s’occuper de son grand père impotent. Ces trois-là survivent grâce aux faibles revenus de femme de ménage rapportés par la mère. Et puis David va tomber sur une annonce qui va changer sa vie : une femme d’âge mûr recherche du sexe contre rétribution. Alors que sa mère rêve pour lui d’une vie meilleure David va s’engager sur une route dont il ne pourra parler à personne.
La dernière tranche de vie c’est celle de Sara. Surdiplômée elle occupe un emploi de télévendeuse pour une compagnie d’assurance. Elle passe ses journées au téléphone à essayer de placer des assurances vie. Mais même si ce travail ne l’épanouît pas et c’est le moins qu’on puisse dire sa chef lui rappelle que ce ne sont pas les bac+5 qui manquent pour la remplacer. Révoltée par la situation, elle fera reposer les causes de cette situation sur la génération de ses parents.
Dans ce format à l’italienne et en 220 pages Nadar brosse le portrait de cette jeunesse qui paye des années d’une politique économique pas à la hauteur de la crise qu’elle doit affronter. Si elle parle de l’Espagne elle trouve un écho dans toute l’Europe. On se reconnaîtra tous dans ses pages, et si ce n’est nous alors un de nos amis. Parce que même si ces histoires parlent de Carlos, David et Sara les personnages secondaires ne sont pas en reste pour nous raconter toujours la même histoire. Et le tour de force de Nadar c’est d’arriver à brosser ces portraits sans aucun pathos. Si je devais vous résumer cette BD en une phrase ce serait celle de Sara s’adressant à sa sœur : « Autrement dit notre guerre consiste à apprendre à vivre dans un monde qui n’en a rien à foutre de nous »
A noter la Postface de Philippe Lemistre, ingénieur de recherche au CNRS, sociologue et économiste de l’éducation, spécialiste du déclassement qu’on appelle en France la suréducation et qui apporte un regard éclairant sur le sujet.

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le 19 juin 2017

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