« Solo » d’Oscar Martin a été un de mes grands coups de cœur graphiques de ces dernières années. Son anthropomorphisme à la Disney boosté aux hormones est de toute beauté, enrichi par un sens de l’animation qui dynamise (dynamite ?) ses planches. Hélas, le scénario manquait d’originalité. Avec « Le monde cannibale », l’auteur clôt ce qui sera un triptyque. Le tout paraît chez Delcourt pour 120 pages de tueries sanguinaires.
Nous avions laissé Solo en famille. Devenu père, il aspirait à une vie meilleure sans pouvoir la trouver. Au début de ce tome, Solo revient les mains vides à la maison. Mais sa femme et ses enfants ont été kidnappés pour alimenter les fermes des humains. Ces derniers comptent bien sur les rats pour trouver une source de nourriture abondante…
On pourrait penser que Solo va retrouver sa famille, mais là n’est pas le sens de l’ouvrage. La quête perdue d’avance du rat est une lente plongée vers plus de désespoir. Les combats et les tueries s’accumulent. Le bouquin est avant tout un prétexte à la découverte de nouvelles créatures de ce monde désolé : les vers des sable, les solitaires, les monstres des cavernes, les brutes…
Si le scénario fait la part belle au combat, il développe une nouvelle fois peu le monde. Ce qui intéresse Oscar Martin, ce sont les combats. Tuer pour survivre. Tuer pour manger. Malgré tout, l’ouvrage possède une narration réussie, celle qui avait fait le succès du premier tome. Désespéré, Solo court et cherche sa famille. Cette narration est entrecoupée par des rencontres, des dialogues qui s’arrêtent avec une balle dans la tête ou un couteau dans le ventre.
Le gros point fort de l’ouvrage reste donc le dessin d’Oscar Martin. À la fois inspiré de Disney et des comics, on peut regretter une tendance de certains personnages à se tourner plus franchement vers le cartoon et le « gentil » Disney. On retrouve l’influence des autres travaux de l’auteur (« Tom et Jerry » par exemple) qui polluent un peu l’univers de Solo, plus cohérent dans ses précédents tomes. Ainsi, le dernier compagnon de route de Solo ressemble fortement à Rouy, de « Rox et Rouky »… Malgré cela, le bestiaire est toujours aussi impressionnant et les scènes d’action remarquable. Oscar Martin a un sens de l’ellipse et du mouvement remarquable et c’est avec plaisir qu’on feuillette l’ouvrage pour revoir certaines planches. Le travail sur les ambiances est aussi à signaler, renforcées par des couleurs adaptés. Il est à noter que Solo, en vieillissant, retrouve paradoxalement son visage du début du tome 2 : plus fin, plus doux… Être père de famille l’aurait rendu moins dur ?
Ce troisième tome de « Solo » ne surprend guère. On retrouve les qualités et les défauts de cette série. Si sur le papier il y a des écueils à relever, il n’en reste pas moins une lecture plaisante d’un dessinateur talentueux. Maintenant que cette série est bouclée, on attend avec impatience la suite des travaux d’Oscar Martin. Qu’il utilise tout son talent graphique pour nous en mettre plein les yeux !