Critique et extraits ici: http://branchesculture.wordpress.com/2015/05/21/le-monde-du-dessous-anne-sibran-didier-tronchet-casterman-critique
Le papa de Jean-Claude Thergal s’est associé à sa femme, la romancière Anne Sibran, pour adapter le roman de cette dernière, Dans la montagne d’argent. Une réflexion initiatique dans les hauteurs boliviennes, dans laquelle le héros croise les dieux mais aussi le diable, les fantômes de la mine et un profond sentiment d’injustice.
« Moi, Agustin Osorio, fils de mineur, j’ai décidé d’aller dans le monde du dessous pour faire ce que jamais personne n’a osé. » La quatrième de couverture donne envie, tout le reste de cette nouvelle bande dessinée signée Didier Tronchet et sa femme Anne Sibran (déjà trois autres aventures BD à leur actif), aussi. Ainsi, suivons-nous le destin de cet Agustin, un curieux personnage qui revient au village. Un village déserté si ce n’est pas les pierres, qui semblent millénaires et indéboulonnables, et les tombes muettes et oubliées. Agustin est fils de plusieurs pères, mais celui dont il était le plus proche était mineur. « Était » parce qu’il est mort, emporté par cette mine d’argent de Potosi, jamais rassasiée.
Son appétit féroce de chair humaine affaiblie par les vapeurs de mercure et d’arsenic, a pris huit millions d’autres âmes. Le cimetière du village n’est d’ailleurs rempli que de femmes, d’enfants et de vieillards ayant échappé à l’appel des profondeurs, les autres n’ont droit à la seule sépulture que les entrailles de cette terre moribonde et ingrate leur ont réservé. Des sépultures comme une ode au diable qui a du y élire domicile de force, car pris à son propre piège et enfermé dans ces mines. Mines qui sont le destin de tout homme dans la région. Pourtant, le destin s’est montré différent avec Agustin. Investi d’un don, c’est une autre voir que le jeune homme suivra pour devenir un homme et accomplir sa destinée.
Il a raison Didier Tronchet quand il s’exclame: « Ce livre parle de nous, en Occident! » Ils ont raison ces deux auteurs, tant de cet étrange cheminement initiatique et onirique émerge un état des lieux où le diable n’est peut-être pas qui il prétend être. Ce Monde du dessous est une banderille face aux exploitants sans vergogne du Monde du dessus, ceux qui ont acculé les indigènes sud-américains pour mieux les envoyer aux mines, leur faisant miroiter une richesse qui ne serait pourtant pas la leur. Au gré des pages, tout l’univers d’Anne Sibran se (re)dévoile, sa force imaginative dans un conte cruel mais qui sonne vrai.
Quasiment uniquement en « je » et en réflexion du personnage principal, sans quasiment de dialogue. On subit cette histoire, mais on la subit bien, le dessin toujours aussi identifiable de Didier Tronchet exécute la bonne incantation pour toucher juste. C’est beau, mais pas uniquement, ça donne à réfléchir aussi. Après tout, parfois, les meilleurs détours vont le plus droit au but, quitte à se dépayser en Bolivie.