Le Passeur
6.1
Le Passeur

BD franco-belge de Yves H. et Hermann (2016)

Non loin de McCarthy et proche des migrants d'aujourd'hui, le cauchemar d'Yves H et Hermann

Chronique et extraits: http://branchesculture.com/2017/01/06/le-passeur-yves-h-hermann-bd-desespoir-western-fuite/


C'est un peu le retour du héros, de celui qui a triomphé à Angoulême l'an passé et n'entend pas mettre sa carrière au ralenti pour autant, signe que le Grand Prix de la Ville d'Angoulême n'était pas un objectif en soi pour ce formidable conteur. Ainsi, habile et inspiré, dans une noirceur tenace, Hermann vient de signer, avec son fils Yves H., Le Passeur, un récit à peine fantastique et finalement tellement réaliste dans son propos.


Résumé de l'éditeur: Un couple s'arrête dans une ville après une harassante traversée du désert. Épuisés mais déterminés à franchir la frontière, ils découvrent peu à peu l'atmosphère lugubre de l'endroit qui n'augure rien de bon. Les habitants ne parlent pas, bougent à peine, tels des cadavres en sursis. La cité est en vérité sous le joug d'un inquiétant trafic par-delà les hautes grilles qui la condamnent et l'isolent du reste du monde s'étend un territoire cauchemardesque, royaume solitaire du Passeur... Un piège dont nul ne s'évade, sinon au prix de sa propre vie.


Ils s'appellent Sam et Sam, un couple crasseux, usé par le voyage, à force de dormir sur les banquettes déglinguées de motor-homes abandonnés, non loin des centrales nucléaires désaffectées. S'ils ont l'air perdu, ces deux-là? Non, en dépit des apparences, ils savent ce qu'ils cherchent. Mieux, ils sont proches du but, ce "paradize" qui en vaut la peine et qui tranche avec les noirs horizons laissés par une humanité en miettes pour faire place nette à... l'apocalypse. Un monde où l'on ne se méfie jamais assez et nos deux héros vont l'apprendre à leurs dépens. Ce qu'on leur a promis, ce phare qu'on leur a dit d'atteindre, ne serait-il rien d'autre qu'un enfer de plus sur terre?


Le Passeur, comme Le Règne, suit la progression de ses héros vers un ailleurs plus prometteur mais néanmoins incertains malgré les rêves dont Sam et Sam encombrent leurs pensées. Ainsi dans un décor de western immobile depuis des siècles, depuis que l'humanité s'est suspendue, père et fils alliés dans la BD, suivent la route d'un Cormac McCarthy pour élaborer un cauchemar pas si éloigné des épreuves que les migrants doivent traverser de nos jours. Comme pour eux, on ne sait pas quelles sont les circonstances exactes de l'exode de Sam & Sam. À vrai dire, on s'en balance. Sans laisser le temps à leur lecteur de juger, Yves H et Hermann font comprendre à leurs lecteurs que leurs deux personnages n'ont pas le choix et doivent avancer toujours un peu plus pour échapper à un sort infernal. Pire (ou mieux, à vous de choisir), ils arrivent à nous mettre dans la peau de ces damnés, à nous faire vivre ce mauvais rêve de manière... frontale.


Dans un monde morne, glauque, en proie aux fantômes et au diable-argent plus qu'aux vivants, mais d'où émerge parfois quelques notes de couleurs, Yves H. et Hermann livrent une oeuvre sans concession et irradiée de désespoir, qui finit en cul-de-sac dans un final peut-être trop attendu mais tellement nécessaire.


Glaçant, remuant, magnifiquement exécuté, Hermann n'a pas fini de nous épater. Et en 2017, encore moins, puisqu'il est attendu avec une nouvelle série en plein dans le western, Duke, dans les prochaines semaines chez Le Lombard (aperçu ci-dessous). Mais aussi un nouveau Jérémiah ("Kurdy Malloy" "probablement en septembre" dixit l'auteur).

Alexis_Seny
7
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le 6 janv. 2017

Critique lue 255 fois

Alexis Seny

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