Après avoir été heureuse pendant des dizaines d’années dans sa maison, Yvonne décide de la vendre à un jeune couple pour intégrer la maison de retraite "Les Mimosas". Son mari est décédé quelques mois auparavant, ses enfants ont quitté le nid depuis longtemps, et elle ne se sent plus la force de rester toute seule dans son habitation. C’est donc de sa propre initiative que cette octogénaire dynamique décide d’euthanasier son vieux chien et de laisser tout derrière elle pour prendre ses quartiers aux "Mimosas". En arrivant là-bas, elle est forcément un peu anxieuse, mais elle se dit que tout va bien se passer. Elle voit ce nouveau départ comme une belle occasion de briser sa solitude. Mais en réalité, ce changement radical d’environnement s’avère beaucoup plus compliqué que prévu pour Yvonne, voire même douloureux. Car la vieille dame, qui reste encore bon pied bon oeil malgré son âge, se rend rapidement compte qu’en troquant sa maison pour un EHPAD (comme on appelle les maisons de retraite en France), elle a perdu une grande partie de sa liberté. Elle n’aime pas du tout la déco de sa chambre ("je déteste ce papier peint, cette peinture écaillée, cette odeur de vieillerie"), elle n’aime pas la façon dont la responsable de la maison de retraite lui parle, elle regrette de ne pas recevoir davantage de visites, en particulier de la part de Tom, son petit-fils préféré… Parfois, Yvonne a donc des gros coups de blues, et le temps lui paraît bien long. Mais elle ne se laisse pas abattre pour autant. Au contraire: grâce à sa personnalité drôle et dynamique, sa bonne humeur va déteindre sur les autres résidents de la maison de retraite. Progressivement, elle va se faire de nouveaux amis, en parvenant même à redonner le sourire à certains résidents à qui plus personne ne s’intéresse réellement. A sa grande surprise, elle va aussi renouer avec une vie sentimentale en se rapprochant de PF, un beau senior plutôt séduisant. Yvonne prend donc clairement la vie du bon côté, même si la peur de décliner et de perdre la mémoire l’empêche de plus en plus souvent de dormir…
Les maisons de retraite inspirent manifestement les auteurs de bande dessinée. Quelques semaines à peine après la sortie du magnifique roman graphique "Ne m’oublie pas" d’Alix Garin, voici que sort une autre BD très touchante sur le sujet des personnes âgées. Dans les deux cas, il s’agit de bandes dessinées qui abordent les conditions de vie difficiles dans les maisons de retraite, mais sans verser dans le misérabilisme pour autant. Si "Le plongeon" est une belle réussite, c’est avant tout parce qu’il s’agit d’une BD qui sonne juste, avec successivement des moments dramatiques et des moments drôles, comme dans la vraie vie. La scénariste Séverine Vidal est parvenue à trouver le ton juste pour aborder ce sujet difficile, car elle anime régulièrement des ateliers d’écriture dans des EHPAD. Elle est donc souvent en première ligne pour recueillir les histoires et les témoignages des personnes âgées, ce qui lui a permis de constater que celles-ci ne sont pas une masse indistincte, comme on a parfois tendance à les présenter, mais qu’elles ont chacune des rêves, des envies, des regrets… C’est ce qui a servi de base à ce récit intimiste touchant et drôle, qui s’intéresse plus particulièrement au cas d’Yvonne, une vieille dame confrontée à un changement de vie radical après des années d’une vie heureuse avec son mari et ses enfants. Mais à côté d’Yvonne, c’est toute une galerie de personnages particulièrement crédibles que l’on suit dans cette bande dessinée, avec chacun leurs problèmes particuliers. L’objectif de cet album est de nous amener à changer de regard sur la vieillesse et sur les maisons de retraite. Depuis quelques années, la bande dessinée donne une place de plus en plus grande aux personnes âgées, en montrant qu’elles sont encore et toujours animées par l’envie de trouver le bonheur, à l’image d’Yvonne dans "Le plongeon". Dans sa BD, Séverine Vidal ose également s’attaquer au sujet parfois un peu tabou de la sexualité chez les personnes âgées, comme Zidrou l’avait fait avec succès il y a quelques années dans "L’obsolescence programmée de nos sentiments". Mention spéciale aux illustrations de Victor L. Pinel, ce jeune dessinateur espagnol prometteur qu’on avait découvert l’année dernière avec l’album "Puisqu’il faut des hommes", qui avait été l’une des toutes bonnes surprises de l’année 2020. Il dit avoir été particulièrement touché par le sujet du "Plongeon", parce que ses propres grands-parents vivent dans une maison de retraite. C’est ce qui explique sans doute l’émotion et l’authenticité de cet album, qui touchera à coup sûr tous ceux qui aiment les récits très humains.
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