Coupons court à tout suspense inutile dès le départ : Le Prisonnier du Bouddha n’est pas seulement un excellent album de Spirou et Fantasio pondu à la fin des années cinquante par Franquin, Jidéhem et Greg. En effet, c’est aussi une belle application illustrée de concepts étudiés en cours de stratégie internationale, dont je vais vous toucher un mot.

L’album commence de manière habituelle : Spirou, Fantasio, Spip et le Marsupilami débarquent chez le comte de Champignac à l’improviste. D’abord réticent, ce dernier leur présente le dénommé Inovskyev, un savant réfugié dans le château après avoir fui l’URSS (à noter toutefois qu’aucun pays n’est cité). Inovskyev, une espèce de géant chauve, s’avère être le génial inventeur d’un petit engin capable non seulement de supprimer la gravité mais aussi d’influencer la météo et de faire pousser une végétation luxuriante, entre autres applications. Ca s’appelle le Générateur Atomique Gamma. Mais Inovskyev est inquiet : il craint que son G.A.G. (forcément) soit utilisé à des fins militaires.

Et il n’a pas tort. Des espions soviétiques se cachent justement dans le parc du château. Leur logique est la suivante : si Inovskyev a quitté l’URSS, c’est forcément pour vendre son invention aux lâches impérialistes occidentaux. Or les soviétiques n’ont pas envie que le bloc d’en face détienne une arme polyvalente susceptible de déclencher des tempêtes sur commande ou de faire décoller n’importe quel objet. Là où c’est cocasse, c’est que personne ne détient réellement l’engin si ce n’est son inventeur, mais toutes les Puissances protagonistes tentent de se la procurer car il leur paraît évident que les autres sont à deux doigts d’y parvenir. C’est notamment le raisonnement tenu par les Chinois, qui détiennent emprisonné le second inventeur du G.A.G. (un américain du nom de Longplaying). Persuadés que les Européens sont à deux doigts d’en maîtriser l’utilisation, ils veulent arracher à l’exubérant inventeur les secrets de son invention.

C’est là une application du concept de « dilemme de la sécurité » : lorsqu’un pays craint que son voisin soit occupé à se renforcer militairement, il en fait autant juste au cas où ça lui serait destiné. Que cela corresponde ou non à la réalité n’a aucune espèce d’importance, ce qui compte c’est d’être rassuré. Du coup, à moins de se faire confiance un minimum et de communiquer, c’est la porte ouverte à une course aux armements sans fin. Et comme on est là en plein contexte de guerre froide vraiment froide, il n’y a pas de confiance qui tienne. Spirou, en bon pacifiste qu’il est, n’a donc plus qu’une idée en tête : libérer Longplaying du Bouddha creux dans lequel il est détenu.

Hormis ces digressions stratégiques, est-il nécessaire de préciser à quel point cet album est bon ? Qu’il s’agisse de la première partie dans le village de Champignac (où on se délecte d’un nouveau discours du Maire), ou de la seconde en Chine (ponctuée d’une course poursuite effrénée), on ne s’ennuie pas un instant. L’histoire avance tambour battant et les gags s’enchaînent sans arrêt grâce à un G.A.G aux possibilités infinies, surtout mis dans les mains de personnages tels que Fantasio ou le Marsupilami. Il est probablement inutile de le dire plus de cinquante ans après sa sortie, mais Le Prisonnier du Bouddha est une des meilleures aventures de Spirou et Fantasio.
Nonivuniconnu
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le 25 nov. 2012

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